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ORGANISATION FINANCIÈRE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

était alors décrépite, que cette abdication, au profit de l’Angleterre, du généralat de la coalition. Aussi, quand le génie britannique, grace à l’appui de douze cent mille baïonnettes prussiennes, autrichiennes, russes, espagnoles et suédoises, a pris l’ascendant sur celui de la France, la révolution n’a point été vaincue ; elle n’a fait que passer de la phase militaire à la phase industrielle : après l’âge des principes est venu celui des intérêts.

Lorsqu’une guerre a duré un quart de siècle, avec des alternatives de succès et de revers, avec des efforts gigantesques et des épisodes fabuleux, le vainqueur lui-même ne peut pas s’en retirer sans blessures. La puissance anglaise, traquée sur le continent, se vit plusieurs fois à deux doigts de sa ruine ; elle résista pourtant par la force prodigieuse de son organisation. Le commerce réparait les pertes de la guerre ; et, quand l’argent manquait, on fabriquait du papier.

Au moment où l’on croyait l’Angleterre épuisée, lorsque sa dette excédait vingt milliards de capital, et que son budget dépassait quinze cents millions, revenu énorme dont les intérêts de la dette publique absorbaient plus de la moitié, elle s’est relevée comme un navire robuste après un coup de vent. Pour faire face à tout, elle a mis le monde commercial à contribution.

Alors on a vu que le crédit, le commerce et l’industrie étaient des puissances merveilleuses, dont chacun a voulu étudier le secret. Des observateurs intelligens ont parcouru la Grande-Bretagne, notant le nombre et la richesse des banques, comptant les vaisseaux et les matelots, pénétrant dans les mines ainsi que dans les magasins, mesurant les chantiers, sondant les docks, dessinant les machines, calculant les mouvemens de la vapeur, et analysant ce génie mécanique qui renouvelle, tous les dix ans, les procédés de l’industrie. Nous avons beaucoup admiré et peu imité ; ce qui prouverait que nous n’avons pas compris.

C’est qu’il ne suffit pas de prendre la mesure des détails, si l’on n’a aussi la vue de l’ensemble, et si l’on ignore où réside le principe du mouvement. La Grande-Bretagne doit ses succès à son organisation financière, comme nous avons dû les nôtres à l’organisation administrative, dont la Convention posa les bases, et que l’Empire régularisa ; et le moteur principal, le grand levier de cette puissance, c’est le crédit.

Le crédit est de date ancienne en Angleterre. Au commencement du xviiie siècle, quand les autres états de l’Europe empruntaient