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DU POUVOIR EN FRANCE.

électorale est un thême que les oppositions diverses exploitent dans le sens le plus contradictoire, et qui n’aura jamais de sérieux qu’une question moins importante au fond qu’on ne le suppose, l’adjonction de certaines catégories de capacités. L’amnistie a comblé la mesure de toutes les exigences, et le système du 13 mars n’est pas plus ébranlé qu’au premier jour. Mais ce système se résume en un seul mot : l’ordre public. La paix extérieure, toute désirable qu’elle soit par elle-même, n’en fut jamais que l’accessoire. En 1830, la paix fut nécessaire pour fonder parmi nous un gouvernement régulier ; peut-être la guerre le deviendra-t-elle à son tour. Remettons avec confiance le soin de l’honneur national et l’avenir de la monarchie nouvelle aux mains qui en gardent le dépôt ; mais ne nous dissimulons pas que le mouvement de l’opinion est là, que de là semblent devoir venir par la suite les principales péripéties gouvernementales.

Que si une crise éclatait au dehors, elle n’aurait qu’un temps sans doute. Les intérêts majeurs de l’Europe, les principes même de notre gouvernement bourgeois contribueraient à en hâter le terme, et provoqueraient bientôt entre les doctrines politiques une transaction analogue à celle que le xviie siècle signait avec bonheur à Osnabruck et à Munster. Quoi qu’il en puisse être, tant qu’il ne sera pas manifestement démontré par la solution de la question espagnole, par la franche adoption du nouveau royaume de Belgique, enfin, par l’attitude générale de l’Europe, que ces craintes sont gratuites, et que la France peut oublier le soin de son honneur pour se préoccuper exclusivement de celui de ses intérêts, il y aurait, ce semble, quelque imprudence à s’engager par trop avant dans les grandes questions industrielles soulevées à la fin de la dernière session. Qu’un avenir immense attende l’industrie française, qu’un vaste système de travaux publics doive recevoir de l’état sa direction suprême, nul doute à cet égard ; que le gouvernement des classes moyennes soit appelé à modifier graduellement l’ensemble des institutions secondaires pour le mettre en harmonie avec son principe, je l’admets de grand cœur ; mais ne devançons pas les temps, assurons fortement le sol avant d’élever l’édifice dont nous aimons à mesurer l’étendue ; ne donnons rien au hasard, rien à la fortune, et ne soyons pas téméraires dans notre pacifique confiance, comme nous le fûmes trop souvent dans nos agressions.


Louis de Carné.