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position irrévocablement acquise, se reposer des excitations violentes sur un gouvernement vigilant, mais modéré ; sortir des classifications de partis, qui ne représentent rien du moment où ceux-ci ont abdiqué, sinon la haine, du moins l’espérance, le seul principe de leur vie, le seul élément de leur force. On sait par quelle série de fatalités et de fautes le programme de modération, arrêté au début de la session de 1837, fut si soudainement changé, lorsqu’un mouvement militaire, dans la prompte répression duquel le pouvoir avait cru puiser de la force, devint l’occasion d’un grand scandale, contre lequel on protesta, malheureusement, avec plus de justice que d’habileté. On n’a pas oublié comment l’attentat isolé d’un misérable, dérangeant à lui seul tout un système, enfanta un projet qui, sans atteindre aucunement son but, devait soulever de si vives résistances ; et comment des lois, produites au sein des circonstances les moins favorables, vinrent compliquer une situation que des irritations réciproques rendirent bientôt menaçante. On se rappelle par quelle série d’évènemens on en vint au bout de peu de mois, au milieu du calme de tous les intérêts, de l’amortissement de toutes les passions, à galvaniser les partis éteints, au point de tout remettre en question, tout, jusqu’à l’existence du gouvernement représentatif lui-même.

Jamais position plus facile n’avait été plus tristement compromise. La reprendre en sous-œuvre, en la dessinant plus nettement, telle fut la pensée de MM. Molé et de Montalivet, lorsqu’ils s’associèrent au 15 avril. Comme Casimir Périer succédant à M. Laffitte, ils ne voulaient pas autre chose que ce qu’avait voulu, dans le principe, le cabinet qu’ils remplaçaient ; ils le voulurent seulement avec plus de suite et d’unité. L’épithète de cette administration était trouvée d’avance ; c’était, malgré ses allures indécises et timides, un ministère de conciliation, et dès-lors un ministère d’amnistie. L’heure de l’amnistie avait, en effet, sonné, et dans une telle matière, il n’est pas bon que le vœu des peuples devance long-temps les décisions du pouvoir ; il est dangereux de laisser attribuer à la vengeance ce qui a perdu l’excuse d’une nécessité politique. La marche de ce ministère ne pouvait manquer de paraître incertaine, car aucun parti n’arrivait avec lui aux affaires ; il disait, au contraire, à toutes les fractions parlementaires qu’il ne prendrait la couleur d’aucune d’entre elles, et qu’il allait tenter, en transigeant avec toutes, de recomposer une majorité nouvelle.

Cette position, prise dans la chambre, le conduisait logiquement à