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DU POUVOIR EN FRANCE.

à la clarté du soleil, sous la menace d’une répression judiciaire et l’horreur des gens de bien ; ils savaient que des lois préventives n’empêcheraient pas quelque Alibaud de succéder à Fieschi, quelque Meunier de venir après Alibaud. Aussi tels ne furent pour eux ni le but, ni la haute signification de la législation réclamée. Ce qu’ils voulaient, c’était relever le principe du pouvoir et le modifier en le fixant dans une sphère inaccessible aux orages, le mettant ainsi plus en harmonie avec le principe de la plupart des pouvoirs européens, dont la base est indiscutable.

Les lois de 1835 sont déjà loin de nous, et je ne sais si l’on ne pourrait taxer d’oisive toute discussion à ce sujet. Si nous devions néanmoins, entourés que nous sommes de l’expérience acquise, émettre une opinion sur ces mesures où les uns ne voyaient rien moins que le salut du trône, les autres que le tombeau de la Liberté, nous dirions qu’à nos yeux leur principal résultat est d’avoir devancé de quelques mois un mouvement que la force des choses aurait infailliblement amené. Rien n’impose, en effet, plus impérieusement son diapason à la violence du langage qu’une situation forte et bien assise.

Si cette législation a obtenu un résultat utile, ce n’est pas du tout celui qu’on en attendait. Les difficultés parlementaires qu’elle a créées ne sont pas moins graves que celles qu’elle a fait disparaître ; mais le seul fait de son établissement, sans émeute et sans obstacle, a constaté devant l’Europe et la force du pouvoir et la faiblesse des partis, épreuve éclatante qui pouvait être nécessaire.

Le début de la chambre de 1834 fut une adresse équivoque comme la nature même du concours prêté par elle à un système dont elle admettait, il est vrai, toutes les grandes bases d’ordre public, mais en restant étrangère aux tendances gouvernementales qui lui étaient imputées. On estima qu’il était possible d’engager plus avant cette assemblée sous l’impression d’un attentat formidable ; mais on ne parut pas comprendre que si elle acceptait les lois répressives, ce ne serait pas du tout dans l’esprit où elles lui étaient présentées.

La solidarité de la chambre et du ministère ne fut, en effet, que d’un jour. À chaque session une crise de plus en plus prolongée vint attester les tiraillemens de cette majorité, que des préoccupations très réelles, sans être de nature à se formuler en lois, séparaient de la pensée politique qui passait pour dominer alors le cabinet. Ministère des trois jours, ministère du 22 février, ministère du 6 septembre, ministère du 15 avril, toutes ces péripéties parlementaires, d’autant