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rant cette longue fermentation qui survit toujours aux grands ébranlemens religieux ou politiques, comme l’émotion de la mer à la tempête, le salut des personnes royales n’appartient qu’à la Providence et à une police vigilante et nombreuse ; quelques escouades de sûreté bien disciplinées allaient bien plus droit au fait que toutes les mesures délibérées au palais Bourbon, mesures qui ont entraîné, au commencement de cette année, des complications parlementaires si sérieuses.

Une revue succincte des faits permettrait de suivre à la trace cette pensée d’ordre moral et de légalité gouvernementale que l’école doctrinaire regardait comme le complément de la politique de Casimir Périer, et dont on vient d’esquisser le vague programme ; on verrait que, pour se formuler en mesures législatives, elle dut presque toujours se dissimuler sous quelque chose de plus palpable, de plus empirique, si je l’ose dire ; on acquerrait la certitude que la chambre élective, lors même qu’elle votait des lois de principes, se préoccupait bien moins de relever le pouvoir dans le sens des idées si fréquemment développées par M. Guizot, que de le préserver des attaques matérielles essayées par les factieux.

Les lois de septembre elles-mêmes passèrent dans le même esprit qui aurait fait voter des brigades nouvelles de gendarmerie ou des supplémens de fonds secrets. On n’y vit guère qu’un moyen de préserver la personne du roi et d’empêcher les émeutes : la partie théorique en fut emportée comme par surprise. On avait fait une bonne loi contre les crieurs publics, trompettes permanentes de la sédition ; on avait fait une loi nécessaire contre les associations politiques. La bourgeoisie crut compléter la série de ces mesures de police en votant des lois qui interdisaient la discussion, même théorique, du principe du gouvernement, l’expression mesurée des regrets et des espérances, et jusqu’à la controverse, vieille comme le monde, sur les bases de la souveraineté, de la propriété, de la famille, etc.

Cette mémorable discussion fut dominée par une équivoque perpétuelle. Les uns croyaient venir en aide à la révolution de juillet par leur boule, comme ils l’auraient fait, un fusil sur l’épaule, en marchant au son de la générale. Les autres savaient fort bien que les jours de l’émeute étaient passés, que les lois de septembre n’émousseraient malheureusement le poignard d’aucun fanatique, et ils connaissaient trop l’histoire et l’humanité pour ignorer que le misérable qui s’enivre de sa pensée ou des secrets encouragemens de quelques complices y puise plus d’énergie que dans des déclamations publiées