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DU POUVOIR EN FRANCE.

de l’homme, triomphera par l’impuissance démontrée de toute doctrine qui ne sera pas chrétienne, c’est-à-dire sociale et pacifique par essence, de même que, sous un bon régime d’hygiène, la santé triomphe de la maladie.

Le bon ordre administratif et financier n’est pas, tant s’en faut, le seul but que doive se proposer le législateur ; mais il est des temps difficiles où cet ordre est le plus utile instrument pour atteindre des résultats durables. Je ne comprends pas bien ce que c’est que l’ordre moral à la constitution duquel on voudrait que passât le gouvernement, immédiatement après avoir constitué l’ordre matériel. Pour qui descend au fond des choses, l’ordre moral ne peut être que l’ordre religieux, car là seulement est la sanction des devoirs, la source des abnégations saintes, la résistance aux mauvais instincts, la règle des passions désordonnées. Hors de là, l’ordre moral n’est que de la police exercée par des censeurs ou des sergens de ville. Or, j’en demande pardon à d’honorables organes de l’école gouvernementale, mais je ne sais aucune loi, aucune mesure parlementaire, aucune coterie politique, en mesure de hâter, autrement qu’en lui laissant toute latitude, ce réveil de l’idée chrétienne dont je crois sentir avec bonheur le travail intérieur et divin dans le monde et dans ma patrie.

De nos jours, la sphère du pouvoir est nécessairement restreinte ; elle est circonscrite quant aux idées, elle est plus circonscrite encore quant aux personnes et à l’importance des instrumens. C’est chimère que de rêver, sous un gouvernement de classe moyenne, la dignité d’un patriciat, ou l’orgueil de parade de l’empire. Il ne faut demander à notre régime d’élections et de petites exigences, ni l’attitude des hauts fonctionnaires de Napoléon, ni ces grandes luttes du fils de lord Chatam et du fils de lord Holland, s’escrimant sur un terrain alors immobile, au milieu de tous les orages de la parole. Il ne faut pas avoir l’air de méconnaître ce que la politique de notre temps comporte nécessairement de mobilité, de susceptibilités inquiètes et jalouses. Ce sont là les attributs inévitables d’une situation qui, comme toute autre, se défend moins par ses détails que par son ensemble. Il ne faudrait pas surtout se dessiner à plaisir un type sévère du pouvoir, alors que dans la pratique, et pour échapper même à l’effet de ses théories, on se trouverait plus souvent peut-être en contradiction avec ces imposantes professions de foi : il s’établirait alors un contraste entre la parole et les actes, qui n’échapperait pas à l’instinct public.