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c’est pour cela qu’il marcha au but d’un pas si ferme et si sûr. Il osa beaucoup dans la sphère où beaucoup était possible, sans entreprendre de dépasser ni les conditions ni les limites de son action politique. C’est ainsi que de régulateur de l’ordre matériel, il n’essaya pas de devenir régénérateur de l’ordre moral. Il sentit que la première condition de salut pour la France était la perception distincte de ses dangers, et qu’il importait bien plus de les lui rendre manifestes pour la convier à les combattre, que d’armer le pouvoir du droit écrit de les dissiper. Quelle force efficace lui eût départie une législation plus sévère ? N’y a-t-il pas des temps où la répression du désordre dans ses effets extérieurs est possible, à raison de la puissance des intérêts, bien qu’il soit impossible de l’atteindre dans son principe, à raison de la faiblesse des mœurs ; et serait-il loisible d’espérer que les sociétés, rendues sceptiques par le long usage des révolutions, puissent fonder leur symbole politique sur des bases fixes et indiscutables ?

L’ordre des temps et des idées nous conviera bientôt à apprécier une doctrine dont Casimir Périer n’est appelé à recueillir ni l’éloge ni le blâme. À chacun ses œuvres ; sa mission à lui est distincte de toute autre, et la date du 13 mars a toute sa signification historique.

Il est difficile de saisir, dans l’ensemble des transactions politiques, le point précis où s’arrête une pensée sociale devant une autre qui la domine. Il règne d’ordinaire, entre les hommes dévoués à la même cause, une solidarité générale qui ne les empêche pas de différer par leurs tendances. Ainsi arriva-t-il sous l’administration de Casimir Périer, durant laquelle l’élément que nous devons avec le public désigner sous le nom de doctrinaire, ne se produisit point dans ce qu’il a de propre et d’intime, se bornant à seconder son ministère, sans lui imprimer sa couleur. Mais, quand l’œuvre patriotique de ce ministre eut été accomplie et que la mort l’eut enseveli dans une victoire que ses traditions assurèrent bientôt d’une manière définitive à Anvers et au cloître Saint-Méry, une autre tentative commença, et nous l’apprécierons avec la haute et vieille estime que nous portons aux hommes, aussi bien qu’avec la franchise et l’indépendance de nos convictions.

Le ministère du 11 octobre n’a jamais manqué de se présenter à la France comme le continuateur de celui du 13 mars, et cette succession n’est pas douteuse, si l’on s’arrête au but commun poursuivi par les deux administrations, le maintien de la paix et le rétablissement de l’ordre public. Mais une pensée d’une autre nature fut sub-