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manière des princes d’Hanovre ses successeurs. Mais Guillaume avait pour mission de rétablir l’équilibre de l’Europe, compromis par la France ; s’il échouait, l’abaissement de sa pairie native et de sa patrie d’adoption était la conséquence de sa défaite, et une restauration jacobite sortait infailliblement du succès de Louis XIV. Dans de telles conjonctures, ce prince comprit qu’il fallait payer de sa personne, et l’histoire, que je sache, ne lui en a pas fait un crime. Les dynasties ne se fondent qu’autant qu’elles représentent une idée, et il faut d’ordinaire que cette idée se fasse homme pour être comprise et pour triompher.

Qu’est-il besoin d’ajouter que la maison d’Orléans, en passant du Palais-Royal aux Tuileries, courait de tout autres risques que le prince d’Orange en quittant La Haye pour s’établir à Londres, et que l’Europe ébranlée par tant de révolutions à la fois, la France livrée à un mouvement d’autant plus redoutable, qu’il était plus vague, demandaient avant tout un centre pour se rallier, un médiateur pour s’entendre ?

Notre pays n’est pas, d’ailleurs, la terre des fictions légales ; il aime, au moins pour un temps, l’action personnelle, les parties où l’on joue sa tête, et après lesquelles on peut dire hardiment : J’ai vaincu. La France couronna Napoléon après qu’il eut racheté les défaites du directoire ; elle a maintenu au front de Louis-Philippe un diadème qui ne serait qu’un bandeau de papier, s’il ne pouvait aujourd’hui arguer de ses œuvres. Tout cela n’est vrai sans doute que dans des circonstances exceptionnelles, et le danger serait d’en inférer que la royauté possède encore parmi nous une force qui tient bien plus à l’homme qu’à l’institution ; mais il est incontestable que les circonstances exceptionnelles se sont produites, et qu’il a été très politique d’en profiter.

À cet égard, l’opposition républicaine s’est complètement abusée en estimant abaisser la royauté par cela seul qu’elle la représentait comme l’instrument principal du système. Cette énergique et puissante volonté, prêtée au prince par des journaux sérieux, suffisait à contrebalancer l’action incessante de la presse de bas étage. On ne savait comment concilier tant d’importance et tant d’insultes, et successivement, en effet, les injures ont cessé parce qu’elles empruntaient je ne sais quel air de contresens ; au lieu de jouer le dédain, il fallut, chose heureusement plus difficile, s’efforcer d’inspirer la haine.

Sous l’administration du 3 novembre s’exerça, sans conteste et