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pas le crime de Meunier qui a rendu possible cette vaine et dernière reprise d’un système usé, dans lequel on entraînait, malgré lui, le président du cabinet du 6 septembre, dépositaire de pensées plus douces, de principes plus concilians, de traditions plus indulgentes ?

Assurément M. Molé n’est engagé, par aucun de ses antécédens, à soutenir ou à ne pas attaquer M. Thiers dans la solution qu’il a voulu donner à la question espagnole, nous le savons ; mais ce n’est pas une raison pour que M. de Montalivet ou lui, tout opposés qu’ils soient à l’intervention, travestissent en une ignoble manœuvre de bourse, en un moyen d’agiotage, l’opinion de M. Thiers sur cette question, grosse de tant de périls. Ce serait faire injure à tous deux que de le croire. Ils savent que cette question a divisé et divise encore les plus sincères et les plus éclairés partisans de la révolution de juillet, les plus fidèles amis de la dynastie qu’elle a fondée, les plus courageux défenseurs de l’une et de l’autre ; leurs vœux ne sont pas douteux. Chaque succès de don Carlos est un embarras pour eux comme un échec pour la France ; chaque retour de la fortune en faveur des armes de la reine est à leurs yeux un succès pour notre propre cause, et le gage d’un danger de moins dans l’avenir. Ce qui les distingue de M. Thiers sur ce point, c’est une disposition moins prononcée à beaucoup sacrifier, s’il le fallait, pour empêcher ce qu’ils redouteraient presque autant que lui, et sans doute aussi plus de confiance qu’il n’en avait dans la vitalité propre de la cause constitutionnelle en Espagne. Puissent-ils ne pas se faire illusion là-dessus ! C’est le plus cher de nos désirs, car nous ne voulions pas le sacrifice pour le sacrifice même, mais pour le but auquel il se rapporte, et qui ne nous en paraîtrait pas moins précieux, si la France le pouvait atteindre à moins de frais.

Nous ne pousserons pas plus loin cet examen du manifeste si imprudemment publié contre M. Thiers, et dans sa personne contre le ministère du 22 février ; notre tâche serait trop facile, et nous arriverions insensiblement à des questions trop délicates, que nous aimons mieux ne pas toucher. Ce n’est pas sérieusement qu’on peut supposer cette déclaration de guerre inspirée par le ministère ; et s’il ne l’a pas hautement désavouée, c’est qu’il ne l’en a pas jugée digne ; c’est qu’il a cru que cette supposition se réfutait d’elle-même à la moindre réflexion. Il lui aurait donné trop d’importance en la relevant, et il a préféré, avec raison, laisser à l’opinion publique le soin de la juger toute seule. Ce manifeste montre bien d’ailleurs le peu de fonds qu’un ancien ministre doit faire sur la reconnaissance d’hommes que son influence a introduits dans la carrière politique. M. Guizot en sait maintenant là-dessus tout autant que M. Thiers, à moins qu’il ne prenne pour une expiation des torts qu’on a envers lui les violentes accusations portées contre son rival, ou qu’il n’ait laissé pour instruction secrète à d’anciens alliés qu’il ne pouvait retenir sous ses drapeaux, la mission spéciale d’affaiblir le 15 avril, en le séparant par tous les moyens de ses alliés les plus naturels, ce qui laisserait ainsi le champ plus libre à l’ambition incessante de M. Guizot.

L’opinion publique est assez vivement préoccupée de l’expulsion du comte Confalonieri, qui, à peine arrivé en France où il venait rétablir sa santé, a