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Tra-os-Montes, se réunit tumultueusement, et proclama purement et simplement la constitution de Cadix, sous la réserve des modifications qui pourraient y être faites, à condition qu’elles fussent plus libérales.

Il y eut d’énergiques et nombreuses protestations mais le mouvement commencé ne recula plus. Le congrès, réuni sous ces auspices et sous la puissance des baïonnettes intelligentes, lutta avec les cortès espagnoles d’exaltation autant que d’imprévoyance. Cependant le but principal, le seul vraiment populaire de la révolution, était atteint par l’établissement du siége du gouvernement à Lisbonne et le retour du roi, auquel on présenta à signer, comme condition de son débarquement, les bases de l’impraticable constitution que les cortès souveraines venaient de décréter. Jean VI promit, signa, jura tout ce qu’on voulut. La résistance eût été vaine, et le moment n’était pas venu de trouver, pour renverser cette œuvre informe, une coopération active. On n’avait jusqu’alors fait que de la théorie. Aucune classe n’avait encore conçu d’alarmes sur le maintien des institutions dont l’exploitation faisait vivre l’homme de loi aussi bien que le gentilhomme.

Les cortès ne manquèrent pas aux conditions du programme imposé par les caporaux ; aussi cette constitution de 1821[1], redevenue, après douze ans d’oubli, la loi fondamentale actuelle du royaume, exagère-t-elle tous les principes, toutes les impossibilités consignées dans le code de Cadix.

Si le congrès s’était borné à décréter des généralités philosophiques, telles que la souveraineté du peuple (article 20), l’admissibilité de tous les citoyens aux emplois, sans autre distinction que leurs talens et leurs vertus (art. 13), la suprématie de l’intelligence (art. 14), la proportionnalité des peines aux délits (art. 12), etc., une telle profession de foi eût soulevé peu de résistances. Mais on prétendit déplacer les existences en attaquant cette masse d’intérêts de corps, qui, parce qu’elle repose sur des abus, n’en est que plus forte et plus compacte. Cette attaque se fit, d’ailleurs, mollement ; on ne sut ni se donner le mérite de respecter les droits acquis, ni s’engager hardiment dans la voie des réformes ; on ne fut audacieux qu’en paroles, ce qui est la pire espèce d’audace. Des dispositions législatives supprimèrent l’ancienne organisation municipale, judiciaire et

  1. Ainsi désignée parce que les bases en furent arrêtées le 9 mars 1821. Cette constitution ne fut terminée que dans les derniers mois de l’année suivante.