Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
REVUE DES DEUX MONDES.

demment, sinon arbitraire, du moins dépourvue de nécessité, parce que cette disposition pourrait être changée à l’insu du lecteur.

Il est probable que M. Barbier connaît aussi bien que nous toute l’importance de l’unité ; pourquoi donc a-t-il écrit un poème sans unité ? Je crois le savoir. En présence de toutes les pensées incomplètes qui se produisent, qui, faute de temps, viennent au monde borgnes ou boiteuses, l’auteur justement applaudi des Iambes et du Pianto s’est exagéré l’utilité du loisir. Pour ne pas faillir comme ceux qui n’ont pas attendu l’heure de l’enfantement, il s’est imposé une trop longue attente. En possession d’une richesse dont personne ne connaît aussi bien la valeur que les hommes de science et d’imagination, maître du temps, libre de produire à son heure, il a laissé passer le moment fatal où il devait se décider à vouloir, et, ce moment une fois emporté dans l’abîme du passé, il n’a plus retrouvé que les pierres dispersées et rebelles du monument qu’il avait rêvé ; c’est à ces pierres qu’il a donné le nom de Lazare. Le temps manque au plus grand nombre des poètes, la volonté a manqué à M. Barbier ; c’est dans la combinaison de ces deux élémens que se trouve la gloire. Que M. Barbier parte pour l’Espagne ou pour les bords du Rhin, et qu’il prenne sa revanche.


Gustave Planche.