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REVUE DES DEUX MONDES.

elle se poursuivait, nos vœux seraient pour le général Santa-Cruz, dont les dispositions envers la France ne laissent rien à désirer, tandis que nous avons des différends avec le Chili et la République Argentine ; car en ce moment même, il est question de faire appuyer par quelques démonstrations navales nos réclamations à Buenos-Ayres, auprès de Rosas, dont nous avons beaucoup à nous plaindre. Et en général, c’est un moyen de nous faire rendre justice, auquel les nationaux établis dans ces contrées lointaines, à la merci de gouvernemens faibles et passionnés, trouvent que la France n’a pas recours assez souvent. Il serait à souhaiter que la marine française exerçât en leur faveur une protection plus constante, en se montrant bien plus fréquemment dans les ports de l’Amérique du Sud. Ainsi on aurait peut-être évité par une autre attitude les différends actuels avec le Mexique, où nos affaires ne paraissent pas menées avec toute l’énergie convenable ; et s’ils ne sont pas terminés à notre satisfaction, ce n’est pas la faute du brave amiral La Bretonnière.

On nous permettra, en terminant, de revenir encore une fois sur les imputations calomnieuses que notre travail sur la Russie nous a values de la part d’un libéralisme étroit et inintelligent ; c’est pour leur opposer, en deux mots, une réponse péremptoire. Nous venons d’apprendre que le numéro de la Revue qui contient ce travail a été prohibé en Russie par ordre du gouvernement, et nous avons reconnu dans un journal allemand, dont les relations avec la chancellerie de M. de Nesselrode ne sont ignorées de personne, un essai de réponse aux piquans détails que nous avons donnés, dans notre chronique du 15 août, sur l’état des relations du cabinet de Saint-Pétersbourg avec ceux de Vienne et de Berlin. Nous ne saurions ajouter rien de plus, et nous livrons ces deux faits avec une entière confiance au jugement des esprits droits et impartiaux.



Revue Musicale.

Mme Stoltz a continué ses débuts à l’Opéra dans les Huguenots. Après doña Anna, caractère sublime au-dessus de toute comparaison, le rôle de Valentine est, sans contredit, aujourd’hui le plus grand et le plus beau du répertoire ; aussi, quoique la cantatrice n’ait pas réalisé, le premier jour, toutes les espérances de ses nombreux amis, on peut féliciter Mme Stoltz de s’en être encore tirée si bien. Le rôle de Valentine, comme du reste toutes les créations de l’école à laquelle appartient Meyerbeer, réclame une force de composition dramatique, une puissance d’organe, une sorte d’enthousiasme que Mme Stoltz possède en elle, nous n’en doutons pas, mais que certaines raisons, plus ou moins indépendantes de sa volonté, et dont nous parlerons tout à l’heure, l’ont empêchée jusqu’ici de produire sur notre scène. Mme Stoltz n’est pas, certes, une cantatrice italienne, loin de là ; ni la Malibran, ni la Sontag ne lui ont dit leur secret. Si jamais elle tient le premier rang, nous ne pensons pas que ce soit par la grace flexible de son chant et l’irréprochable pureté de sa manière. Il faut donc qu’elle s’efforce d’acquérir, ou, pour mieux dire, de produire les qualités d’expression qu’exige cette école,