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pitulation aux partisans de la charte, s’ils sont disposés, comme on le croit, à désarmer. Les maréchaux ont perdu beaucoup de monde ; le général San-Cosme a été tué, et la jeune noblesse qui avait quitté Lisbonne pour combattre sous les drapeaux de la charte, a été décimée par le fer et le feu des constitutionnels. Ces nouvelles sont du 30 août, et quoiqu’elles soient apportées par le paquebot de Falmouth, avec des correspondances de Lisbonne de la même date, les journaux anglais n’en font aucune mention. Ils disent, au contraire, que la situation était toujours la même, et que les maréchaux devaient entrer au premier instant à Lisbonne, sans que MM. de Sa Bandeira et Bomfim pussent y mettre obstacle. Les journaux anglais nous paraissent avoir mal jugé cette question et d’un point de vue aussi étroit qu’intéressé. Les deux plus grands noms militaires du Portugal sont, il est vrai, du côté de la charte, et c’est en général le parti de l’armée. Mais la constitution, et les cortès qui viennent d’en achever la réforme dans un sens très raisonnable, ont de leur côté la bourgeoisie armée de Lisbonne, que soutient dans sa résistance une haine assez vive contre les Anglais, véhémentement soupçonnés, et non sans raison, de préférence pour le parti contraire. C’est ce qui rend leurs correspondances de Lisbonne si injustes et si niaisement hostiles envers M. de Bois-le-Comte. Moins fortement prévenu que lord Howard de Walden en faveur des chartistes, M. de Bois-le-Comte est nécessairement, à leurs yeux, un démagogue forcené qui hante les clubs de Lisbonne et rédige leurs proclamations un peu sauvages.

Nous aurions beau jeu à répondre, si la chose en valait la peine. Mais nous nous ferions scrupule de découvrir toutes les plaies de l’alliance anglaise, qui est assez délabrée en ce moment, peut-être faute de grands intérêts qui puissent lui rendre sa première vigueur ; car le fond des dispositions de l’Angleterre, à notre égard, est resté le même, et sa politique générale n’a pas fait un changement de front. Lord Durham s’était bien rendu à Londres avec son projet favori d’alliance russe, qui est la clé de bien des contradictions apparentes dans la conduite du gouvernement anglais à l’égard des affaires d’Orient ; mais il n’a pas réussi à le faire goûter, et peu à peu on a vu pâlir son étoile, un moment si brillante et qui menaçait d’éclipser l’astre de lord Palmerston. Lord Durham n’a conservé, en effet, ni dans la presse anglaise, régulateur et thermomètre de l’opinion publique, ni auprès de la jeune reine, la faveur qui avait salué son retour à Londres, alors qu’on le croyait presque appelé à devenir, d’un instant à l’autre, l’ame et le chef d’un nouveau ministère. Ce changement, du reste, remonte et s’étend plus haut. L’auguste protectrice de lord Durham, la duchesse de Kent, mère de la reine, ne paraît pas avoir conservé elle-même tout l’ascendant qu’elle avait exercé jusqu’alors sur elle, et dont la jeunesse et l’inexpérience de sa fille semblaient devoir lui assurer une plus longue possession. La jeune reine, dit-on, a voulu l’être de fait et de nom ; elle a un caractère décidé, la prétention de voir, de juger, de choisir par elle-même, et c’est ce qui a rejeté un peu dans l’ombre la duchesse de Kent et M. Conroy, ainsi que lord Durham. On s’occupe maintenant de donner à la reine un secrétaire particulier ; nous disons qu’on s’en occupe, parce que nous ne croyons pas la chose terminée. M. le baron Stockmar, honoré de toute la confiance du roi Léopold, a eu, et il a sans doute encore, bien des chances pour être revêtu de ces fonctions délicates, qui demandent un homme parfaitement en