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REVUE. — CHRONIQUE.

adoptée complètement. En tenant, comme il l’a fait jusqu’à présent, la balance égale entre les deux fractions de l’ancienne majorité du cabinet Périer, le ministère peut espérer qu’il la reconstituera dans son intégrité, à peu de chose près, et nous savons que c’est là son ambition. Mais pour cela, rien ne l’empêche de tendre une main amie à tous les hommes modérés que sa présence au pouvoir invite à s’y rallier, et qui ont même besoin d’un ministère tel que lui pour se rattacher au gouvernement ; car, si tout le monde arrive insensiblement à ce qui dure, les amours-propres demandent qu’on leur ménage la transition, et elle se fait surtout par des administrations qui parlent moins du passé que de l’avenir, de combats que d’organisation, qui ne brandissent point sans cesse l’épée après la victoire, et ne forcent pas les gens à une confession publique de leurs torts avant de les admettre dans le temple.

Le bruit courait, depuis quelque temps, que M. le comte Molé avait poussé très loin une seconde négociation de mariage pour une des princesses filles du roi. Nous croyons qu’on peut maintenant le féliciter d’un second succès, et que le mariage de la princesse Marie avec le duc Alexandre de Wurtemberg est aujourd’hui une certitude. Le duc Alexandre avait passé récemment une dizaine de jours au sein de la famille royale, et on l’y avait dignement apprécié. Il appartient à une branche de la maison régnante de Wurtemberg, et par sa grand’mère, à la famille royale de Prusse. Son père, général en chef au service de Russie, où il a dirigé toutes les communications de l’empire avait épousé une princesse de Saxe-Cobourg. Lui-même est général-major de cavalerie au service russe, et sa sœur a épousé le duc régnant de Saxe-Cobourg, frère du roi Léopold et de la duchesse de Kent. Ce mariage resserre les liens qui unissent la France à plusieurs des maisons souveraines de l’Allemagne, et c’est une preuve nouvelle de l’heureuse impulsion donnée à nos relations diplomatiques par M. Molé.

M. le duc de Nemours s’est embarqué à Toulon, pour l’Afrique. L’expédition de Constantine aura donc décidément lieu, et les négociations pour la paix que l’on disait reprises avec Achmet-Bey, ou ne l’ont pas été, ou à peine renouées se sont rompues de nouveau. Nous ne le regrettons pas ; nous aimons mieux que la paix soit faite sur les murs de Constantine, et imposée par une armée victorieuse, aux conditions qu’il nous plaira d’y mettre. Un peu de gloire en Afrique ne nuira point à la France, au milieu du repos de l’Europe, et nous vaudrons davantage aux yeux des Arabes, quand nous leur aurons donné une nouvelle preuve de notre force. La cause d’Alger, si compromise par toutes les incertitudes de nos systèmes, y gagnera beaucoup ; et si Achmet-Bey est battu, comme nous n’en doutons pas, si nous entrons dans sa capitale, dussions-nous même ne pas la garder, ce sera un évènement qui retentira jusqu’à Tlemcen, au sein du divan de l’empereur du Maroc, et dans les conseils de Constantinople. Avec des Barbares, il faut faire le plus souvent de la force. Commencez par être forts, et soyez ensuite justes et modérés, pour que votre justice et votre modération ne soient pas perdues, pour qu’elles ne soient pas interprétées comme des preuves d’impuissance, et pour qu’on ne se croie pas tout permis contre vous. Voilà le conseil que nous donnerons au gouvernement, sans nous embarrasser d’ailleurs et avant de nous occuper du système qu’il peut vouloir appliquer en Afrique, car ce sont des questions entièrement distinctes. Aussi