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placement du fameux zodiaque. Près de ce premier temple, il y en avait deux autres plus petits. On a plaisir à contempler ces monumens, même au sortir de Thèbes et de Karnak.

Le désert pouvait seul désormais attirer le voyageur, dont le cœur était plein des témoignages de la grandeur humaine. Il revint sur ses pas pour s’y engager. C’est à Minyeh qu’il quitta les bords du Nil. Il lui fallut renoncer au cheval pour le dromadaire, et prendre quelques leçons pour diriger cette nouvelle monture. Les Arabes sont bien les enfans du désert, car le désert les a faits ce qu’ils sont, et ils ont les qualités qui leur permettent de lui résister et d’y vivre. Voyager dans le désert, voilà leur destinée ; le temps n’est rien pour eux, et ils le laissent couler avec une patience inaltérable. Veulent-ils se soustraire à la tyrannie, ils fuient ; un espace infini est la garantie de leur liberté. Aussi il est interdit à l’Arabe de demeurer dans une maison ; il peut mener ses troupeaux sur de verts pâturages, mais il doit toujours poser sa tente sur le sable, afin que, suivant une de leurs paroles, il reste toujours un Arabe de toile et ne devienne jamais un Arabe de pierre. Après six jours de marche dans le désert, le maréchal arriva en vue de la mer Rouge et du mont Sinaï. Mais sur la côte de Ghébel-Ezer, il ne trouva pas le bâtiment sur lequel il comptait. Il résolut de se rendre à Suez, en suivant le bord de la mer. Chemin faisant, il se faisait raconter par les cheiks bedouins l’histoire de leur tribu, qui faisait partie de la nation des Maazes. Il campa en face du mont Sinaï, mont célèbre qui est le point culminant de toute la chaîne de l’Arabie Pétrée, que la mer entoure de trois côtés, et qui servit de tribune à un homme de génie pour promulguer sa loi.

Après avoir reçu l’hospitalité au couvent de Saint-Paul, qui contient trente-cinq moines, dont la moitié sont borgnes, le voyageur atteignit enfin Suez, l’ancienne Arsinoé. Le désert se prolonge jusqu’à la porte même de la ville. Autrefois Suez était le port par où se faisait le commerce de l’Inde. Maintenant la ville est réduite à quelques centaines de familles ou à douze cents habitans à peu près. Le duc de Raguse alla visiter les restes du canal qui liait anciennement la navigation du Nil avec celle de la mer Rouge. Pour rétablir cette communication intérieure, un ingénieur français, M. Lepere, a fait un projet dont l’exécution paraît aisée, et les avantages certains. Le rétablissement de ce canal semble préférable à un chemin de fer du Caire à Suez, dont l’idée a séduit Méhémet-Ali.