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VOYAGE DU DUC DE RAGUSE.

bourgs. Éphèse était bâtie sur une montagne qui forme un amphithéâtre d’une pente assez douce, elle avait un développement médiocre ; mais les accessoires en faisaient une des plus grandes villes de l’Asie. Le célèbre temple de Diane était situé au pied de la montagne, en face de la ville, en dehors de ses murs. Les ruines en étaient immenses ; les plus beaux débris ont servi aux mosquées de Constantinople. On sait que différens princes de l’Asie envoyèrent les vingt-sept colonnes qui décoraient le temple. Éphèse éprouva de grandes vicissitudes ; elle prit parti pour les Lacédémoniens contre les Athéniens ; Alexandre y rétablit la démocratie ; Annibal y vint conférer avec Antiochus. C’est surtout à Éphèse que furent massacrés les Romains que frappa la vengeance de Mithridate ; Auguste y éleva des temples à César ; saint Jean l’évangéliste et saint Paul y prêchèrent le christianisme. Vicissitudes humaines ! éternelle mobilité des choses ! rapidité fatale des idées, des empires et du temps !

Samos, l’île de Pythagore, dans le voisinage de laquelle vécut, à Pathmos, le poète de l’Apocalypse, a été admirablement décoré par la nature, car les montagnes et les rochers que l’on y voit, sont de marbre blanc ; la magnificence des temples et des palais y était plus facile qu’ailleurs. Dans l’antiquité, cette île était puissante sur mer, car elle eut jusqu’à cent vaisseaux propres au combat et portant cinquante rameurs. Entre les Athéniens et les Lacédémoniens, elle changea plusieurs fois de parti. Aujourd’hui elle compte à peine vingt mille habitans misérables : sa principale richesse consiste en des vins muscats très estimés, qui sont achetés au moment même de la vendange ; car le cultivateur est si pauvre, qu’il ne peut conserver son vin pour attendre qu’il ait acquis toute sa valeur.

Quand il eut quitté Samos, un vent fort et favorable fit aborder en peu de temps le voyageur sur la côte opposée du continent, dans une anse où il jeta l’ancre. Il se trouvait à peu de distance du lieu où était situé un temple d’Apollon, très célèbre dans l’antiquité et qui dépendait de la ville de Milet, bâtie sur les bords du Méandre, dont les eaux coulent dans le voisinage. Milet était une des plus importantes villes de l’Ionie, mais il ne reste plus d’elle que des ruines confusément dispersées sur un grand espace de terrain. Ville maritime, Milet avait autrefois quatre ports ; aujourd’hui la mer en est fort éloignée : d’immenses alluvions apportées par le Méandre, ont créé un nouveau pays. Les ruines du temple d’Apollon sont entières ; il faut en admirer la magnificence et, pour ainsi dire, la fraîcheur : on dirait qu’un tremblement de terre a bouleversé le temple, et que