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soins spéciaux des frontières les plus voisines ; l’autre, qui forme le centre de l’empire, est seule chargée de fournir les hommes dont l’armée a besoin. Ainsi, c’est sur une population de quarante millions d’ames et sur un territoire dont l’étendue est centrale et nettement déterminée, que s’opère ce recrutement.

Le maréchal entre dans des détails tout-à-fait spéciaux sur l’organisation des corps ; il montre l’obligation où se trouve la Russie, pour jouer le rôle politique que lui donne sa puissance, d’avoir en temps de paix une armée d’un effectif plus élevé que les autres puissances de l’Europe ; mais aussi l’entretien de ces troupes est beaucoup moins cher pour la Russie qu’il ne l’est pour la France, l’Autriche, la Prusse et l’Angleterre. Le soldat anglais est le plus cher de tous, le soldat russe est celui qui coûte le moins. C’est en 1821 que fut établi, après plusieurs essais, le système de colonisation militaire en vigueur aujourd’hui. Le duc de Raguse a visité les trois premières divisions de régimens colonisés qui sont dans le gouvernement de Cherson. La population mâle, dans ce gouvernement, s’élevait dans l’origine à soixante-cinq mille hommes ; elle était composée de Cosaques du Bug, de Valaques, Moldaves et Bulgares qui avaient quitté la Turquie, de petits Russiens, d’Ukrainiens, et de paysans de l’intérieur de l’empire, envoyés dans le Cherson pour trouver des terres. On répartit la population et les terres de manière à satisfaire aux besoins des régimens. Chaque régiment reçut une population de onze à douze mille ames ; le territoire de chaque régiment fut divisé en deux parties, l’une fut donnée aux habitans, l’autre, réservée à la couronne et cultivée à son profit. Chaque paysan ou possesseur d’une charrue eut l’obligation de loger et de nourrir un soldat, de donner à la couronne deux journées de travail par semaine pour les travaux publics et les terres qu’elle s’était réservées, mais cet impôt a été fort adouci, et l’on ne dépasse pas aujourd’hui le nombre de quarante-quatre journées par an. Enfin la jeunesse mâle de la population fut affectée au recrutement, et dut rester constamment cantonnée en temps de paix. Il y a des écoles dans tous les villages, et les enfans reçoivent du prêtre et des aides dont il peut avoir besoin, l’instruction primaire. À dix-huit ans on les instruit au service, on leur apprend à monter à cheval, on les met en état d’entrer dans les rangs au premier appel ; une fois cette éducation militaire terminée, ils restent dans leurs familles, occupés de la culture des terres et de leurs intérêts privés. Mais dans chaque régiment il y a une école de trois cents jeunes gens, de quatorze à vingt ans, com-