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nachés, entra dans la lice, conduite par un moretto ou petit esclave noir, bizarrement vêtu, et marchant entre les deux quadrupèdes, qui caracolaient agréablement, au bruit des fanfares et des cris d’enthousiasme.

Le seul Valerio, soumis aux lois d’un goût plus pur, parut sur un cheval turc, blanc comme la neige, et d’une beauté remarquable. Il n’avait qu’une simple housse de peau de tigre, et de grandes bandelettes d’argent lui servaient de rênes ; ses crins, longs et soyeux, mêlés à des fils d’argent, étaient tressés, et chaque tresse se terminait par une belle fleur de grenade en argent ciselé, d’un travail exquis. Ses sabots étaient argentés, et sa queue abondante et magnifique battait librement ses flancs généreux. Il avait, comme son maître, l’enseigne de la compagnie, le lézard d’argent sur fond cramoisi, peint avec un soin extrême sur la cuisse gauche ; et comme il avait l’honneur de porter le chef, il était le seul cheval décoré de l’écusson.

Valerio fit découpler les chevaux, et, se plaçant au pied de l’estrade où était la petite Maria Robusti, il agréa dix de ses joyeux compagnons qui s’offrirent pour soutenir les défis, et qui, montant sur dix chevaux, se placèrent à ses côtés, cinq à sa droite, cinq à sa gauche. Puis les jeunes Maures promenèrent encore les dix autres chevaux dépareillés autour de l’arène, en attendant que dix champions, pris dans le public, se présentassent pour la course. Ils ne se firent pas long-temps attendre, et les jeux commencèrent.

Après avoir couru la bague, gagné et perdu alternativement les prix, d’autres jeunes gens sortirent des tribunes et se présentèrent pour remplacer les battus, tandis que d’autres compagnons du Lézard remplacèrent ceux de leur camp qui avaient été vaincus. Les jeux se prolongèrent ainsi quelque temps ; le chef resta toujours à cheval, présidant aux jeux, allant, venant, et s’entretenant le plus souvent avec sa chère petite Maria, qui le suppliait vainement d’y prendre part, car c’était à lui seul, disait-elle, qu’elle eût voulu décerner le grand prix. Valerio avait, dans tous ces exercices, une supériorité dont il dédaignait de faire parade ; il aimait mieux protéger et ranimer les plaisirs de ses compagnons. D’ailleurs il était triste et distrait ; il ne concevait pas qu’après le dévouement dont il avait fait preuve en terminant le travail de son frère, celui-ci poussât la rigidité au point de ne pas même assister à la fête comme spectateur. Mais Valerio sortit de sa rêverie lorsque les trois Bianchini descendirent dans l’arène et demandèrent à se mesurer avec les plus