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REVUE. — CHRONIQUE.

verts et des belles eaux, n’est guère celle des symphonies et des cavatines. La musique s’enfuit devant le printemps de la terre, on dirait qu’elle craint d’aventurer ses sons réguliers et parfaits dans une lutte folle avec les mille bruits inappréciables de la nature. Elle s’enfuit pour ne plus revenir qu’aux premiers jours d’automne ; alors seulement, elle descend pour nous de son beau ciel bleu d’Italie, alors elle chante sans mesurer les heures, elle chante les nuits entières, comme pour nous consoler des fleurs qui ne sont plus, des oiseaux silencieux et transis, et de toutes ces petites joies de l’ame qui ne s’épanouissent qu’au soleil. Après tout, la musique fait bien peut-être de se laisser oublier de la sorte à certaines époques. Autrement, que deviendrait-elle ? Irait-elle chanter dans le désert d’une salle abandonnée, ou suivre en poste ce monde fatigué des eaux que le désœuvrement accable, et qui chaque année, au même temps, s’agite, se remue, et se met en travail, pour retrouver sur les grandes routes l’ennemi mortel qu’il laisse à Paris, l’ennui, qu’il retrouve partout, dans les sources de Marienbad, sur le tapis vert de Baden, au fond de l’Océan. Autant la musique est grande et noble chez elle, lorsqu’elle remplit, l’hiver, la salle du Conservatoire ou de l’Opéra, de sa voix sublime qu’on admire, autant elle est chétive et digne de pitié, quand elle se produit seule et nue, sans orchestre ni chœurs, devant un public indifférent, qui lui donne son or pour tout hommage. Figurez-vous une pauvre petite fille sortie à peine de l’école, qui vient au piano avec sa plus belle robe et ses plus belles fleurs dans les cheveux, et là, sans désemparer, se met à chanter quatre ou cinq cavatines italiennes qu’elle estropie à plaisir, avec un accent alsacien, si on est à Baden, anglais, si on est à Boulogne ou à Dieppe. Vers la fin du troisième morceau, les plus considérables personnages de l’assemblée donnent signe de vie et tirent leurs mouchoirs ; on s’éveille, on bâille un moment, on chuchotte, on se demande qui a composé cette musique si savante. Les noms de Rossini, de Meyerbeer ou de Mozart courent dans toutes les bouches des rares assistans ; puis, le silence se fait de nouveau, les têtes s’inclinent comme par le passé, et l’on s’endort pour la seconde fois, en attendant de s’être assez diverti pour aller se coucher le cœur net. Voilà pourtant quel rôle joue la musique dans toutes les villes de bains ; voilà comment cela se passe deux fois par semaine à Vichy, à Cotterets, à Dieppe et à Boulogne ; croyez ensuite aux merveilles qu’on vous raconte de l’affluence du public à ces concerts, et surtout de son enthousiasme. Le public des eaux se repose le soir au concert des promenades et du bain de la journée. Il dort beaucoup et n’applaudit guère. Sitôt que le chant a cessé, il se réveille comme en sursaut. Alors on entend çà et là quelques cannes isolées battre le parquet, en signe de haute approbation, et la pauvre cantatrice, qui commence à s’apercevoir qu’on ne l’a pas écoutée, retourne à sa place, confuse et maussade. Je ne sais rien de plus triste au monde que de voir en cet état ces malheureuses jeunes filles, si ce n’est pourtant de les entendre. — Que dire maintenant de ces concerts forains dont Paris regorge. On ne peut plus faire un pas désormais sans heurter une symphonie en plein vent ; les orchestres ont remplacé les orgues dans les carrefours ; et quelle musique, bon Dieu, que tout cela ! Vous revenez le soir de la campagne, tout préoccupé d’idées sereines ; vous enviez l’homme des champs de l’abbé Delille ; tout à coup vous voyez le boulevart en feu, le peuple se rue et se pousse ; et, pour compléter la scène, on sonne le tocsin ! Vous croiriez à l’embrasement de la ville, pas du tout, c’est M. Julien qui