Quoique placée dans un coin reculé de l’Europe, en dehors des grandes lignes de communication qui lient entre eux les peuples de notre continent, l’Écosse est vraiment une terre de progrès. Je dirai plus, c’est une terre de prodiges, en fait de civilisation surtout. Ses habitans, qui, il y a moins de deux siècles, ne songeaient guère qu’à tuer ou à se faire tuer, ne pensent plus aujourd’hui qu’à vivre et à bien vivre. Chez eux, la soif du savoir et la soif des richesses, que des esprits chagrins ont flétrie du nom de cupidité, ont remplacé la brutalité et la soif du sang. La vie paisible (still life) a pris la place de la turbulence et de l’esprit batailleur ; et, dans les trois quarts du pays, l’aisance gagne chaque jour du terrain sur la misère. L’Écossais est aussi industrieux aujourd’hui qu’il était brave autrefois, aussi éclairé qu’il était superstitieux, aussi poli qu’il était barbare ; ses luttes sont des luttes industrielles et savantes. Il est vrai que, comme il aime à acquérir, il aime toujours un peu à plaider. Comme au temps de Knox et du Covenant, il aime aussi à disputer ; mais il ne se sert plus, dans ses procès et dans ses querelles, que d’une seule arme, de l’arme de la parole. Les tribunaux, les revues, les académies, les meetings, sont ses champs de bataille, et la seule conquête qu’il paraisse ambitionner avant tout, c’est la conquête du bien-être.
Cette conquête, qui semblait naguère au-dessus de ses forces, lui est assurée aujourd’hui. Sans doute en Écosse, comme dans tout le reste de la Grande-Bretagne, l’extrême misère est encore voisine d’une fabuleuse opulence ; et à côté de la table du riche qui met à contribution les parties les plus lointaines du monde connu, le Thibet, le Cachemire, la Chine, il y