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gloire. Dans l’automne de 1828, Peel visita les principales villes de l’Angleterre ; partout il fut accueilli avec enthousiasme par ses vieux amis politiques, partout il reçut des adresses empreintes d’une violente aversion pour le pape et les papistes ; il répondit à toutes ces avances par un silence de mauvais augure, ou par des déclarations évasives. Cependant son parti continua d’attribuer à sa seule prudence des ménagemens où, avec plus de perspicacité, il aurait dû voir des symptômes de défection.

Les yeux se dessillèrent à peine, quand le discours du roi, en février 1829, annonça qu’il était temps de mettre un terme à la longue désunion de l’empire, et que le ministère avait résolu d’admettre les catholiques à l’exercice de tous les droits civils dont jouissaient les citoyens de la communion protestante. Peel, en expliquant les intentions du ministère, déclara que depuis six mois au moins lui et ses collègues étaient convaincus de la nécessité de plier sous la force des choses. L’explosion tumultueuse d’indignation qui accueillit cette déclaration dans les chambres et dans le pays ne saurait être comparée à rien dans nos annales politiques. Les ennemis des catholiques étaient nombreux, ardens, soutenus par la presque totalité du clergé et de l’aristocratie territoriale. Il est vrai que leurs adversaires avaient pour eux une puissance à laquelle, dans une lutte prolongée, les ennemis des catholiques ne pouvaient résister ; je veux dire l’assentiment général des classes libérales et éclairées. Mais la force apparente du parti de l’église était énorme, et il se méprit facilement sur celle de ses adversaires, qui se voyait moins à première vue. Être trahis dans ce moment d’énergie et de confiance, trahis par un homme qu’ils avaient si long-temps suivi les yeux fermés, c’était un affront impardonnable. Le renégat fut accablé d’injures et d’invectives, dont ne le dédommagèrent que faiblement les froides et quelque peu ironiques félicitations des libéraux auxquels il s’était réuni. C’est alors que dans un accès de dépit chevaleresque, il résigna le mandat qu’il avait reçu de l’université d’Oxford ; mais, immédiatement après, il eut la faiblesse de le solliciter de nouveau, et fut éconduit en faveur de sir Robert Inglis, représentant actuel de cette université. Ses frères se déclarèrent contre lui ; son père envoya ses tenanciers au poll de Tamworth pour voter contre le candidat ministériel. Si je citais les pamphlets, les innombrables chansons faites contre lui, les comparaisons avec Judas Iscariote aux cheveux rouges, dont le gratifiaient alors chaque jour les écrivains et les orateurs qui, cinq ans plus tard, l’ont élevé aux cieux comme le sau-