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comptes : il renonce à l’amitié. Détrompé partout, en désespoir de cause, il s’était jeté dans la politique et le journalisme : il avait joué son petit rôle dans la comédie de quinze ans. Mais la révolution de juillet, qu’il avait adorée, ainsi que tant d’autres, ne le paie pas d’un retour suffisant : il renonce à la révolution de juillet. Enfin, de renoncement en renoncement, il en vient à renoncer au monde comme il a renoncé à tout ; il se réfugie en Italie dans le couvent des Camaldules, où il meurt, au bout de trois ans, en parfaite odeur de sainteté.

Si M. de Saint-Valry a gâté les principales situations de Volupté, en se les appropriant, il n’en a pas moins malheureusement parodié le style. Chez M. Sainte-Beuve, c’est la vraie poésie qui déborde en flots d’images d’une étincelante originalité. Chez M. Saint-Valry, c’est tout l’orgueil du lieu commun qui surabonde. L’unique soin de l’auteur semble avoir été d’entasser la plus grande somme possible d’allusions et de similitudes surannées et décrépites. Il n’y a point de comparaison usée jusqu’à la corde dont il n’ait employé l’étoffe. Friperie mythologique, friperie biblique, tout lui a été bon. Madame de Mably est un roman écrit, d’un bout à l’autre, dans le goût d’une amplification d’écolier de rhétorique. C’est une des plus superbes exhibitions de trivialités présomptueuses qui se soient vues.

Napoléon et la conquête du monde, histoire de la monarchie universelle, voilà un livre qui va sembler bien grave pour être placé parmi tant de livres légers. C’est pourtant l’un des romans les moins sérieux auxquels nous ayons eu, depuis long-temps, affaire.

Un très petit pamphlet avait récemment prétendu que Napoléon n’a jamais existé ; aujourd’hui, nous avons un romancier qui prétend que l’empereur est mort seulement en 1832, après avoir conquis le monde. Mais l’écrivain ne se borne pas à forger les dix années merveilleuses qu’il ajoute à la vie de Napoléon. Il remonte jusqu’à 1812, et refait complètement, à sa mode, toute l’histoire de l’univers depuis cette époque.

Napoléon et la conquête du monde est un livre rare, publié presque incognito ; c’est pourquoi nous en donnerons un rapide abrégé. Écoutez donc le résumé de la grande histoire de l’empereur, telle que l’a rêvée le nouvel historien.

En 1812, l’incendie de Moscou ne force point, comme on vous l’avait dit, notre armée à la retraite ; Napoléon marche droit à Saint-Pétersbourg, dont il s’empare, et où il fait l’empereur de Russie son tributaire. Avant de rentrer en France, Napoléon s’arrête à Varsovie : il y rétablit d’un trait de plume le royaume de Pologne, et lui donne pour roi Poniatowski.

Napoléon était le maître de l’Europe continentale. L’Angleterre seule continuait de le braver. C’est en 1814 qu’il réalise enfin la conquête, si long-temps projetée, de cette île. Trois armées, débarquées à la fois, envahissent simultanément le sol britannique. Le 4 juin a lieu la grande bataille de Cambridge, qui ouvre au vainqueur les portes de Londres. Le lendemain paraît un décret, daté de cette capitale, qui réunit l’Angleterre à l’empire français, et la divise en vingt-deux départemens.

Vous êtes surpris peut-être de ces étranges licences qu’a prises l’historien de supprimer d’une part la nationalité de l’Angleterre, notre chère alliée, et de rétablir de l’autre celle de la Pologne, pour laquelle la chambre de nos députés s’en tient à des vœux annuels si généreux. Patientez. Vous allez voir des choses plus dignes de votre étonnement.