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REVUE. — CHRONIQUE.

il s’est rendu à Carlsbad, où on lui donnera sans doute le conseil de ne rien brusquer.

Les partisans de don Carlos avaient perdu courage, il y a quelque temps, sur la nouvelle de la défaite de Chiva. Effectivement tout semblait alors présager à l’expédition une fin malheureuse, et on devait croire qu’il ne restait plus au prétendant d’autre ressource que de repasser l’Èbre, tant bien que mal. Ses pertes en hommes et en chevaux depuis qu’il était sorti de la Catalogne avaient été considérables ; la désertion minait son armée ; les généraux de la reine concentraient leurs troupes autour de Cantavieja, dans un rayon si rapproché, qu’une bataille paraissait inévitable, et ils avaient la supériorité du nombre ; enfin on ne concevait pas que 10 ou 12,000 hommes trouvassent long-temps à vivre dans les montagnes stériles et nues où l’expédition était allée se réfugier. Comment la cause constitutionnelle a-t-elle perdu la plus grande partie de ces avantages ? comment trois semaines se sont-elles passées dans la plus complète inaction ? C’est ce que nous ne nous chargeons pas d’expliquer. Mais certainement la situation n’est plus aussi fâcheuse pour les carlistes qu’il y a quinze jours, et voilà qu’une expédition hardie au nord de Madrid force le général Espartero à dégarnir l’espèce de ligne de blocus qu’on avait formée autour des positions occupées par le prétendant.

Nous voulons bien croire que Madrid n’est pas sérieusement menacé ; mais la prise de Ségovie, à 15 ou 16 lieues de cette capitale, est un fait grave. Ségovie est une ville importante, siége de plusieurs grands établissemens militaires, où les carlistes auront trouvé de l’artillerie qui leur manque ; et les forces que le gouvernement de la reine peut envoyer de ce côté ne sont pas assez nombreuses pour les empêcher d’y faire pendant quelque temps ce qu’ils voudront, d’entrer où bon leur semblera, et en définitive de se retirer avec leurs canons et le fruit de leurs exactions. Aussi ne sommes-nous pas étonnés d’apprendre que Madrid ait été mis en état de siége. Ce sont des preuves de force que les gouvernemens ne se refusent jamais la veille même de leur chute, et qui ne la retardent pas d’un instant. Nous croyons néanmoins que le gouvernement espagnol n’en est pas là, mais il aurait bien besoin d’un effort de courage et d’énergie, dont nous ne le jugeons pas capable, ni lui, ni la population, ni les généraux.

Effrayées d’une pareille impuissance, les provinces se regardent comme abandonnées à elles-mêmes et n’espèrent plus leur salut que de leurs propres efforts. La Catalogne en donne l’exemple. Le mot de séparation n’a pas été prononcé, mais les craintes que cette principauté a conçues pour son industrie, sur le bruit vague d’un traité de commerce avec l’Angleterre, ont sourdement fermenté dans les esprits ; et ce danger, la France l’avait annoncé à M. Calatrava dès le mois de décembre dernier. Ce qui se passe maintenant en Catalogne est très remarquable. Les carlistes ont fait depuis un mois des progrès bien menaçans sous la direction d’un chef habile, Urbiztondo, que don Carlos a revêtu du titre de capitaine-général ; et les troupes du baron de Meer, réduites à quelques milliers d’hommes, sont hors d’état de se mesurer avec eux. Dans ces circonstances, il s’est opéré à Barcelonne un mouvement d’opinion moins violent, moins révolutionnaire que les mouvemens antérieurs, mais de la même nature. On a pensé à centraliser, au moyen d’une commission permanente de délégués, les ressources de la