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REVUE. — CHRONIQUE.

lution la mieux établie. Mais on assure, pour répondre à notre question de tout à l’heure, que, la situation restant la même au dedans et au dehors, la conviction de M. Molé sur la nécessité de dissoudre irait jusqu’à lui faire un devoir de se retirer, si on ne lui accordait pas la dissolution. C’est en effet chez lui plus qu’une opinion décidée ; c’est une conviction profonde que chaque jour affermit et qui tient à des motifs politiques de la plus haute portée.

Les journaux doctrinaires se sont emparés d’un mot que M. Molé a prononcé à la tribune et dont il a fort bien défini le sens, pour lui reprocher de n’avoir pas de système et d’avoir érigé en théorie politique l’ignorance du but auquel devait tendre son ministère. Leur aigre polémique s’est long-temps nourrie de cette accusation qu’ils ont répétée sous toutes les formes. Cependant ils auraient pu voir, en y regardant de près et en interrogeant le passé, que si M. Molé n’affichait pas un système inflexible à prendre ou à laisser, il avait au moins, sur un grand nombre de questions particulières, une volonté ferme, très arrêtée, et qu’on ne parvenait pas aisément à décourager. Or, il nous semble que de ces actes isolés, fruits de cette volonté dont nous parlons, il résulte un ensemble de politique, qu’on pourrait bien aussi appeler un système. Et, si nous ne nous trompons, ce système consiste à rapprocher, autant que possible, le moment où sera effacée la dernière trace des divisions et des troubles que la révolution de juillet a laissés après elle. L’amnistie n’est pas autre chose, l’amnistie n’avait pas d’autre but. Et aujourd’hui quel est l’homme qui ose s’élever contre l’amnistie ? Quel est l’homme qui ose mettre en doute l’étendue et la nature bienfaisante de ses résultats ? C’est encore la même pensée qui a suggéré la réouverture de Saint-Germain-l’Auxerrois, et la restitution de cette église au culte catholique. Si le peuple n’oubliait pas, lui aussi, comme les gouvernemens doivent oublier, il serait venu renouveler à Saint-Germain-l’Auxerrois les déplorables scènes du mois de février 1831. Mais le peuple oublie et pardonne, et c’est pourquoi le culte catholique est rentré si paisiblement en possession de son église. Des nominations importantes viennent d’avoir lieu. Eh bien ! quelques-unes ont eu ce caractère d’oubli, de réparation, de paix, que les circonstances justifient, disons plus, qu’elles commandent. La dissolution se rattache aux mêmes principes, aux mêmes espérances, en un mot, au système de M. le président du conseil.

Évidemment, la chambre actuelle des députés, élue sous l’influence d’une situation différente et des hommes de cette situation, ne répond pas à la situation nouvelle que l’amnistie, le désarmement des partis, ont faite depuis quelque temps à la France. Elle est, par tous ses antécédens, fortement engagée dans une politique de résistance et de lutte dont les souvenirs font encore obstacle à bien des rapprochemens. Elle a vu tomber devant elle, presque au gré du hasard, plusieurs ministères qui avaient eu sa confiance, qui ne l’avaient pas perdue au moment même où elle les laissait tomber, et que cependant elle ne savait pas soutenir. Ces tiraillemens, qui l’humiliaient à ses propres yeux, lui ont fait tort dans l’opinion, quoique l’opinion fût trop juste pour l’en accuser seule ; mais elle en avait sa grande part. Nous ne parlerons pas des contradictions où elle est bien souvent tombée sur des questions importantes, dont chaque ministère lui a fait adopter une solution contraire. Nous savons bien à quoi cela tenait, comment tout cela s’explique, souvent même d’une manière honorable. Mais il n’en est