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LE FRONTON DU PANTHÉON.

cré au culte catholique offre aux yeux de la foule l’image de Voltaire et de Rousseau ; il ne veut pas que les guerriers, les orateurs et les hommes d’état prennent la place de la croix et des rayons qui décoraient autrefois le fronton du Panthéon. Il nous semble que la religion n’a rien à voir dans ce débat, et si le clergé élève de pareilles prétentions, il est permis d’affirmer, sans impiété, que ces prétentions n’ont rien de raisonnable. Paris renferme des églises nombreuses, et chaque jour voit s’élever de nouvelles églises. La religion bien comprise ne proscrit pas la reconnaissance de la patrie pour les grands hommes qui l’ont honorée. D’ailleurs, le clergé a d’autant moins raison de protester contre la destination présente du Panthéon, qu’il n’a négligé aucune occasion de témoigner au gouvernement nouveau son mauvais vouloir. Lui céder sur ce point serait de la part du ministère une impardonnable faiblesse.

Le pouvoir craint-il, en découvrant le fronton de M. David, de réveiller des passions assoupies ? Voit-il dans cette œuvre une provocation au mépris des lois ? Mais, à l’exception de M. d’Argout, qui, en voyant le modèle de M. David, n’a dit précisément ni oui ni non, tous les ministres qui depuis sept ans ont siégé dans les conseils de la couronne ont accepté le programme du statuaire. M. Guizot et M. Thiers se sont associés par leur approbation à l’œuvre que vous cachez, et personne n’accusera M. Thiers ou M. Guizot de porter aux passions démocratiques un amour effréné. Tous deux ont prouvé en mainte occasion qu’ils aiment et qu’ils sont prêts à soutenir les institutions qui régissent aujourd’hui la France. Cacher l’œuvre de M. David, c’est déclarer que MM. Thiers et Guizot sont inhabiles au gouvernement du pays. Comment concilier cette déclaration avec les éloges décernés chaque jour à MM. Thiers et Guizot par ceux-là même qui n’approuvent pas ce que MM. Thiers et Guizot ont approuvé ? La contradiction est évidente et frappera les moins clairvoyans.

Et comme le fronton du Panthéon a été vu par plusieurs centaines de personnes, comme M. David a ouvert son atelier à tous ceux qui, sans le connaître, désiraient contempler son œuvre et l’étudier à loisir avant que le regard n’en fût séparé par un intervalle qui ne permettra pas de saisir la finesse de tous les morceaux, tout le monde sait à quoi s’en tenir sur les craintes du ministère. Il n’y a rien dans le fronton de M. David qui puisse exciter à la lutte les passions politiques. Chacun se plaira, sans doute, à chercher sur le fronton le profil d’un homme préféré ; mais cette curiosité n’aura jamais rien de dangereux pour le gouvernement établi. Chaque jour la