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futurs officiers de génie et d’artillerie, qui occupent l’extrémité droite ; l’identité des mouvemens était donc une nécessité,

M. David a bien fait d’accepter le costume moderne et de n’en rien retrancher ; préparé à la solution de cette difficulté par des études nombreuses, il a traité le vêtement de ses personnages avec hardiesse, avec liberté, et presque toujours avec élégance. Le vêtement de Voltaire est remarquable de souplesse et de largeur. Pourtant, si l’on veut bien parcourir d’un œil attentif les diverses parties de ce vêtement, on verra que M. David n’a rien négligé, rien omis. Depuis la cravate jusqu’au jabot, depuis les brandebourgs de la redingote jusqu’aux boucles de la culotte et des souliers, il a tout copié fidèlement d’après les portraits contemporains. Cette littéralité si scrupuleuse n’a rien de raide ni de servile. Tout en respectant les lignes du costume du XVIIIe siècle, tout en s’interdisant les corrections violentes, l’auteur ne s’est cependant pas abstenu d’interpréter le costume comme il avait interprété la tête. Il a dégagé le cou, déboutonné la partie supérieure du gilet, simplifié le jabot, augmenté l’ampleur de la redingote, et, grace à ces modifications à peine sensibles, il a donné au costume de Voltaire une grace et une beauté au-dessus de tout éloge. Ce que je dis de Voltaire, je pourrais le dire de Rousseau ; mais comme l’auteur d’Émile n’est placé qu’au second plan, les qualités que je signale seront moins généralement aperçues. Il y a six ans, quand M. David venait d’achever le tombeau du général Foy, nous lui reprochions d’avoir drapé à l’antique la statue du général, et ce dédain pour la réalité nous frappait d’autant plus, que les bas-reliefs du tombeau représentaient des personnages de notre temps, vêtus comme nous. La statue du maréchal Gouvion Saint-Cyr, postérieure de trois ans à la statue du général Foy, fut un premier retour vers la réalité. Le fronton du Panthéon achève de nous prouver que M. David ne croit plus à la nécessité des draperies académiques dans les sujets modernes. Il est fâcheux que la liste civile n’ait pas offert à cet artiste éminent l’occasion de compléter sa démonstration en lui demandant, pour les Tuileries, la statue d’un personnage choisi dans notre histoire. Sans doute la statue de Philopœmen, que nous verrons dans quelques semaines, se distinguera par des qualités précieuses, la richesse et la vérité de la musculature ne manqueront pas d’exciter notre admiration ; mais nous sommes encore à comprendre pourquoi la liste civile, au lieu d’orner une promenade publique de sujets nationaux, propose à nos méditations Thémistocle et Périclès, Cincinnatus et Philopœmen.