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les sciences, il est clair que le même principe lui est applicable… L’humanité doit, en général, chercher, non ce qui est antique, mais ce qui est bon… La raison nous dit que les lois écrites ne doivent pas être immuablement conservées. Mais, d’un autre côté, il faut de la prudence dans les réformes. » Observation, réalité, progrès, sagesse, voilà tout Aristote.

Après avoir établi sans hésiter que le lien de toute association est l’intérêt, notre philosophe cherche les élémens de l’état, qui se compose de l’association de plusieurs villages, comme le village se compose de l’association de plusieurs familles ; ainsi l’état vient de la nature, aussi bien que les premières associations dont il est la fin dernière ; ainsi l’homme est naturellement sociable, et celui qui reste sauvage par organisation, et non par effet du hasard, est certainement ou dégradé ou supérieur à l’espèce humaine. L’état est naturellement au-dessus de la famille et de chaque individu.

Ici, Aristote formule la théorie de l’esclavage naturel, si connue et si souvent critiquée. Puis, il passe à la théorie de la propriété, où les droits de l’individualité sont maintenus contre les opinions platoniciennes. Après la propriété, il oppose les différens modes d’acquisition, réprouve l’usure, qu’il définit de l’argent issu d’argent, et la moins naturelle de toutes les acquisitions. La vie civile et domestique mène l’écrivain à la vie politique.

Il faut remarquer la méthode historique d’Aristote : avant d’exposer les idées qui lui appartiennent, il se met à critiquer tant les travaux de ses devanciers que les constitutions connues. D’une part, le système de Platon, celui de Phaleas sur l’égalité des biens, la république idéale d’Hippodamus, de Milet ; de l’autre, les constitutions de Lacédémone, de Crète, de Carthage, d’Athènes, les lois de Zaleucus, de Charondas, d’Onomacrite, de Philolaüs, de Dracon, de Pittacus, d’Andromas de Rhegium, sont l’objet d’appréciations excellentes qui nous livrent à la fois la connaissance de l’antiquité et les jugemens d’un esprit supérieur. Ce second livre forme une histoire de la sociabilité grecque, tant pour les institutions qui furent en vigueur que pour les idées qui occupèrent la tête des sages et des publicistes de la Grèce.

Le trait distinctif du vrai citoyen, c’est la jouissance des fonctions de juge et de magistrat ; ce qui revient à cette pensée, que la liberté c’est la puissance. On ne doit pas, dit Aristote, élever au rang de citoyen tous les individus dont l’état a nécessairement besoin. Cependant, les constitutions étant diverses, les espèces de citoyen le