Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.
268
REVUE DES DEUX MONDES.

cité commerciale de premier ordre, serait un beau fleuron à la couronne d’un ancien ministre du commerce ! Les électeurs du Hâvre, les principaux commerçans surtout, sont très bien disposés, et donneraient volontiers leurs voix à M. Duchâtel, dont personne ne saurait nier les connaissances spéciales et la capacité administrative. Mais tout en rendant justice à ces hautes qualités, les électeurs du Hâvre voudraient, dit-on, recevoir de leur nouveau député l’assurance qu’il ne partage pas les idées exagérées d’un parti dont l’éloignerait sa connaissance des affaires, des hommes et des choses. Ce ne serait pas là un mandat impératif. Une simple profession de foi, bien précise, bien nette, de la part de M. Duchâtel, suffirait aux électeurs du Hâvre, et c’est contre cette demande que le parti cherche à le fortifier. On craint que, lié par cet engagement, M. Duchâtel ne se jette de plus en plus dans les idées de modération qui lui sont naturelles, et on veut lui ôter tous les moyens de sortir de l’enceinte du camp doctrinaire. L’élection de M. Duchâtel au Hâvre ne se fera cependant qu’à de certaines conditions, conditions honorables sans nul doute, et qui n’obligeraient l’ex-ministre à renier aucun de ses antécédens. Mais ce n’est pas le compte du parti, qui en est aujourd’hui à l’exagération de ses propres principes. Périssent donc les élections plutôt que les doctrines !

La loi des sucres a été votée à la chambre des pairs à la majorité de quatre-vingts voix contre trente-huit. Le ministre des finances s’est en vain efforcé de l’améliorer. L’engagement qu’il a pris de l’examiner dans l’intervalle de la session, et d’en méditer les effets avant l’époque de sa mise en vigueur, est le seul espoir qui reste à tous les intérêts qui se trouvent blessés par cette loi. Le plus important de ces intérêts, celui de l’état, doit particulièrement en souffrir, car la loi des sucres est faite pour nuire à nos rapports avec nos colonies, et pour détruire l’activité de la marine marchande, cette source féconde de matelots pour notre marine royale. La loi des primes pour la pêche de la baleine a créé, depuis quelques années, plus de deux mille matelots, les meilleurs marins du monde ; elle a donné un mouvement inoui à deux de nos principaux ports ; une loi des sucres bien faite eût encore augmenté ce mouvement, et elle eût fourni un plus grand nombre de matelots. Le ministère sent aussi bien que personne les inconvéniens de celle-ci, et nous ne doutons pas que dans l’intervalle des deux sessions il ne prépare tous les travaux nécessaires pour ramener avantageusement cette question devant la chambre prochaine.

La mission que s’est donnée le ministère actuel, de calmer les esprits et de consolider l’ordre par une bienveillante fermeté, doit l’appeler sur le terrain des améliorations matérielles. Les actes politiques, si importans et si nombreux qu’il a faits, ont absorbé toutes ses pensées. Maintenant il doit s’attacher à procéder à cette seconde partie de sa tâche. L’adoption de la loi des sucres, l’ajournement de la loi des chemins de fer, laissent un vide que ne combleront pas toutes les lois de travaux publics adoptées dans les der-