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filles, pleines d’intelligence et de grace, vous feront les honneurs du logis. La femme vous parlera longuement de son brave Joseph, entremêlant son discours de ces profonds soupirs qui partent d’un cœur bien gros, et de temps en temps essuyant une larme en cachette. Les filles vous apporteront leurs petites et précieuses reliques. L’une vous montrera le portrait et les livres favoris de son père ; l’autre, une chaîne d’or, présent de l’empereur François ; la troisième, un rosaire donné par le pape. Pendant ce temps un jeune homme, à l’air vif et martial, à la physionomie franche et ouverte, se tient dans un coin de la chambre, les bras croisés et la tête penchée sur sa poitrine ; il semble rêver, et l’on voit au feu qui brille dans ses yeux, attachés sur le portrait du guerrier, de quelle nature sont ses rêves. Ce jeune homme, c’est l’un des fils de Speckbaker, non pas l’espiègle et courageux Anderl, le ramasseur de balles. Anderl, le prisonnier de Mekel, que le roi de Bavière fit généreusement élever, occupe aujourd’hui un petit emploi dans une ville du voisinage[1]. Celui qui se tient là, c’est le fils cadet du chef tyrolien : il rêve aux exploits de son père, comme son père rêvait aux exploits de son aïeul. Il voudra vous conduire au pont de Hall, à la ferme de Rinn, au monastère de Volders, lieux témoins des victoires et des glorieuses épreuves de son père. Vous comprendrez, aux vives et chaleureuses paroles qui s’échappent tumultueusement du cœur du jeune homme, que l’héritage paternel n’est pas échu à d’indignes fils ; et au moment de vous quitter, vous serrant la main avec effusion, il vous dira avec une franchise un peu sauvage ce que pense aujourd’hui chaque Tyrolien : Vous êtes venu en ami dans notre cher Tyrol, vous êtes mon frère !… Mais, par les cendres de mon père ; ne venez jamais en ennemi !


F. Mercey.
  1. Il est directeur des fonderies d’Ienbach, près de Schwatz.