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DE LA RUSSIE.

une guerre de ce côté, si cette guerre lui devenait nécessaire. On a beaucoup parlé dans ces derniers temps de l’activité qui règne à Sébastopol et dans les établissemens russes de la mer Noire. Cette activité est particulière au caractère russe, à l’empereur actuel. C’est le mouvement sans égal imprimé par Pierre-le-Grand à un empire qui s’organise encore ; mais ce mouvement, cette activité, donnent la force, et il est bon d’en suivre les effets dans tous leurs développemens.

De grands établissemens se préparent en ce moment à Kertsch, port situé vis-à-vis de l’entrée de la mer d’Azoff, et qui domine le détroit qui lie cette mer à la mer Noire. (C’était autrefois Panticapée, la résidence de Mithridate.) Kertsch a été cédé en 1774 à la Russie par la Porte. Par un ukase du 21 avril 1833, tous les navires destinés pour la mer d’Azoff sont tenus de faire quarantaine à Kertsch. Chaque année, le commerce de cette ville, vers la côte d’Asie, prend une plus grande extension, et a donné une certaine importance à la ville. Le port de Kertsch est, par sa position, à l’abri de tous les vents, et la force des vagues y est diminuée encore par le courant continuel du détroit qui joint une mer à l’autre. En 1833, la navigation y a commencé au 1er février, et a fini au mois de décembre. Elle a donc duré trois mois de plus qu’à Tangarok. Jusqu’à la deuxième guerre avec la Turquie, il se faisait à Kertsch un commerce d’échange avec les Circassiens et les Abases, de qui on recevait la cire, le miel, les fourrures, et auxquels on donnait le sel, qui ne se trouve pas de ce côté du Caucase. Il y a un an et demi environ qu’on découvrit, aux environs de Kertsch, d’immenses terrains réunissant toutes les conditions métallurgiques et minéralogiques pour l’établissement d’usines et de fonderies. Il faut savoir que, dans la dernière guerre avec la Turquie, les embarras qui s’élevèrent au moment de franchir les Balkans, se trouvèrent augmentés par le manque de boulets et de munitions de ce genre où se trouvait l’armée russe. Un noble jeune homme, dévoué à son pays, M. de Demidoff, se hâta d’offrir un don patriotique de 500,000 roubles de boulets pris dans ses usines de l’Oural ; mais il fallait franchir des distances immenses, et l’arrivée de ce secours fut retardée de quelques mois. Depuis ce temps, le gouvernement russe cherchait, pour le cas d’une nouvelle guerre avec l’Orient, à s’assurer des ressources dans ses provinces méridionales. Il les fit explorer, et les découvertes faites à Kertsch ne tardèrent pas à être utilisées. Un officier du génie russe fut envoyé à Paris, pour donner à M. Anatole de Demidoff tous les renseignemens à ce sujet. La fortune de la famille Demidoff provient