Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
DE LA RUSSIE.

envoyé de Baku, par Astrakan, à Moscou, se vend dans tout le nord de la Russie où se vendaient, il y a quelques années, les vins de France. Des propriétaires de Bordeaux ont acheté des terrains propres à la vigne entre les deux Chamakhis, et ils espèrent y obtenir des qualités qui ne le céderont pas de beaucoup à leurs produits de France[1]. Que sera-ce donc quand la Russie aura atteint le but de tous ses efforts, quand elle aura conquis ces trente lieues de côte d’Abasie qui lui manquent pour posséder tout l’isthme entre les deux mers ? — Quand alors elle pourra tracer librement une route commerciale entre les ports qui sont au revers occidental du Caucase, sur la mer Noire, et ceux qui sont de l’autre côté des monts, sur la mer Caspienne ? — Les vins et tous les produits du pays caucasien, ainsi que les produits russes, afflueront alors à Odessa. La garance, qui n’est nulle part aussi belle ni en aussi grande quantité que dans les montagnes d’Ourmij ; le safran, qu’on cultive en si grandes masses à Derbend et à Baku ; la soie, qui est acclimatée maintenant dans les provinces du Caucase, où un fabricant français (M. Didelot) opère à lui seul une manipulation de trente mille poudes (le poude vaut quarante livres) de cette matière ; la soie, dont les Russes ont appris la tordaison, le tramage et l’organsinage, grâce aux agens qu’ils ont envoyés en Piémont et dans nos provinces du Midi, et qu’ils tissent à Moscou, où l’on fabrique les mêmes étoffes qu’à Lyon ; le coton, qui s’améliore chaque jour par la culture, iront concourir à l’affranchissement de l’industrie russe, en approvisionnant les nombreuses fabriques de Moscou, d’où ces produits, travaillés à si bon marché, reviendront, en partie, vers la côte de Mingrélie, pour traverser la mer Noire et se répandre dans la Turquie, dans la Grèce et (du moins les Russes l’espèrent et le disent tout haut) dans l’Italie et dans le midi de l’Europe, où leurs bas prix pourront soutenir la concurrence avec les produits de la France et de l’Angleterre. J’ai eu tous ces produits russes sous les yeux, et je dois dire qu’ils méritent une attention sérieuse.

Mais ces grands projets ne peuvent se réaliser, ce grand mouvement commercial de la Russie ne peut commencer sérieusement, si la Russie ne s’assure la possession tranquille de tout l’isthme qui

  1. Reise in die krym und den Kaukasus. Berlin, 1815. — Reise in die krym und die lænder der Kaukasus et Jagar. Leipsig, — Skizzen aus Rusland, von Tielz. Cobourg, 1836. — Coup d’œil général sur les arrondissemens fluviaux de la Russie. Riga, 1823. — De la ligne du Caucase, par J. Debout. Saint-Pétersbourg, 1829 (en russe). — Considérations sur les communications d’eau de la Russie, par Dmitri Dubenski (en russe). Moscou, 1825.