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mère inquiète, groupées autour de la même table, et n’entrevoyant dans l’avenir qu’une suite de jours pareils. M. Hugo abandonne ce frais tableau, qu’il pouvait continuer sans s’exposer au reproche de prolixité, pour se plaindre de la vie qui lui est échue, et parler des bouches de cuivre de la renommée, comme un condamné parlerait des instrumens de son supplice. Comment expliquer cette transition inattendue ? Il félicite son frère mort de n’avoir pas connu les tourmens de la gloire, de n’avoir pas combattu corps à corps avec la calomnie, et il oublie bientôt l’ombre à laquelle il s’adresse pour ne plus s’occuper que de lui-même. Il se complaît dans l’étude de sa douleur, comme si sa gloire personnelle était l’unique sujet de l’ode commencée. Mais bientôt sa douleur même devient difficile à comprendre, car il a entendu, je ne fais que transcrire ses paroles, il a entendu les larmes de la foule tomber comme une pluie sur le branchage touffu de son drame. Il me semble qu’un homme qui a pu entendre une telle musique n’a pas le droit de se plaindre ; que peut la calomnie contre un poète à qui la foule témoigne son admiration par des sanglots ? Il faudrait qu’elle fût bien maladroite pour attaquer un pareil adversaire ; il n’est pas vraisemblable qu’elle songe à troubler le triomphe de M. Hugo, car les larmes, telles que les conçoit M. Hugo, sont assez bruyantes pour étouffer les clameurs jalouses. L’éloge de la paix dont jouissent les morts ne signifie rien après cette peinture de la gloire dramatique. Pourquoi le poète, au lieu de s’occuper de lui-même, n’a-t-il pas insisté sur une idée à peine indiquée au début de la pièce, sur le génie qui méritait la gloire et qui n’a pu l’obtenir, dont la flamme s’est éteinte avant d’avoir été aperçue à l’horizon ? Il me semble que le développement de cette idée devait envahir la pièce entière et commencer immédiatement après le tableau de l’enfance des deux frères. À quoi bon entretenir les morts de nous-mêmes ?

La pièce à Olympio mérite une étude spéciale, car elle exprime nettement la pensée constante qui préoccupe M. Hugo, depuis que la gloire ne lui suffit plus, et qu’il a tenté de gouverner la littérature contemporaine en roi absolu. Ses prétentions n’ont pas été acceptées, inde iræ. Jusqu’ici son royaume se réduit à quelques disciples qui croient, en lui obéissant, compléter leur rhétorique ; or, ce petit nombre de sujets fervens et dévoués ne peut contenter l’ambition de M. Hugo. Pour un homme, en effet, qui veut gouverner despotiquement le domaine entier de l’imagination, et qui même trouverait bon que la société française le consultât sur la réforme des insti-