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faculté de jouir de la splendeur du ciel, de la verdure des forêts, donne au peintre, au rêveur, au poète, une félicité souvent supérieure à celle du riche qui possède, sans les comprendre, le murmure et l’ombre de ses bois. Les développemens à l’aide desquels M. Hugo a commenté cette idée, sont généralement justes. Il suit le riche dans ses projets, dans ses souvenirs, il épelle, syllabe à syllabe, toutes les tristes pensées qui se succèdent dans l’ame dépravée par la satiété. Mais cette pièce, comme la Soirée en mer, gagnerait beaucoup en devenant moins verbeuse. Çà et là l’homme est encore envahi par la chose ; au lieu de femmes émues, attendries, capables de dévouement et de repentir, l’auteur nous donne du velours et du satin, des diamans et des rubis, et il oublie que les femmes dont il parle ne sont pas réunies pour un bal de cour, mais pour causer, dans une salle du château où le riche les a conviées. Cependant, malgré sa verbosité, malgré la réalité souvent exubérante de plusieurs détails, cette pièce doit être comptée non-seulement parmi les meilleures du volume nouveau, mais aussi parmi les plus belles de l’auteur.

Les Oiseaux envolés avaient leur place marquée dans les Feuilles d’automne. Le sujet de cette pièce est plein de grace, et empreint d’une simplicité touchante. Les enfans du poète ont, en jouant, jeté au feu les feuillets où il avait écrit ses vers ébauchés, et dans un moment de colère il les a chassés. Bientôt la tristesse et le découragement prennent la place de la colère. Seul, livré à lui-même, il gourmande son orgueil et regrette la joie bruyante des Oiseaux envolés. Il rappelle près de lui les marmots étourdis qu’il avait exilés ; pour expier les reproches que tout à l’heure il leur adressait, il leur demande pardon. Jusque-là tout est bien, tout est vrai, tout est plein d’émotion et d’intérêt ; mais, par malheur, M. Hugo, en essayant d’attendrir et de ramener les oiseaux envolés, trouve l’occasion de décrire ses fauteuils, son canapé, son plafond, les porcelaines de sa cheminée, les parchemins entassés sur les rayons de sa bibliothèque, et il ne sait pas résister à cette tentation dangereuse. Il s’engage dans une description sans fin, et ne s’arrête qu’après avoir dressé l’inventaire complet de toutes les richesses qui servent à ses études et à son délassement. Les pauvres enfans, en l’écoutant, si toutefois ils l’écoutent jusqu’au bout, ne doivent savoir que penser. Au milieu de toutes les promesses que le poète leur prodigue, comment se reconnaître ? que choisir parmi toutes les merveilles qu’il met à leur disposition ? Les voilà jetés dans une perplexité sans issue. Je ne parle pas de la singularité de plusieurs comparaisons employées