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quels se livraient ces puissances irresponsables, fortes de l’appui de la populace. Le ministre de l’intérieur, qui était alors M. Lopez, un des chefs de l’opinion démocratique, a montré, dès cette première discussion, tout ce qu’on pouvait craindre de sa turbulence et de sa fougue, en défendant l’institution des tribunaux révolutionnaires, que repoussait évidemment l’instinct de l’assemblée ; il a prononcé un discours de tribun, fort embarrassant pour ses collègues qui ne tenaient pas le même langage et ne voulaient pas faire de terrorisme. Il a marqué alors sa place dans l’opposition où il est rentré trois ou quatre mois plus tard.

Pendant que cette discussion occupait les cortès, le ministère découvrit à Madrid une espèce de conspiration informe, dans laquelle se trouvaient impliqués les meneurs de la société patriotique dont le gouvernement avait empêché la formation ; le ministère avait besoin de faire croire à sa force ; il voyait les cortès pencher vers la modération : aussitôt il résolut de leur exposer la situation des affaires et de leur demander des pouvoirs extraordinaires avec l’autorisation pour les ministres de siéger dans l’assemblée. On sait que non seulement ils ne pouvaient pas en faire partie, d’après la constitution de 1812, et c’est ce qui explique pourquoi M. Mendizabal, M. Calatrava, Rodil, ne furent élus nulle part, mais ils ne pouvaient s’y rendre que sur l’invitation expresse des cortès. Quant aux pouvoirs extraordinaires, ils consistaient dans la faculté de suspendre la liberté individuelle, d’éloigner de Madrid ou d’exiler les personnes suspectes, sous la responsabilité collective du ministère, prononçant l’exil en conseil.

Dès qu’on apprit à Barcelonne que le ministère demandait la faculté de suspendre la liberté individuelle, l’ayuntamiento, dit du progrès rapide, et plusieurs autres corporations s’agitèrent. On rédigea des pétitions aux cortès, qui furent appuyées par le député Vila ; et le parti anarchique, qui perdait successivement toutes les positions, concentra ses espérances sur Barcelonne, qui devait bientôt lui échapper. Néanmoins on passa outre. Arguelles accusa la Catalogne de nourrir des opinions séparatistes qui éclataient au moindre prétexte, contesta le droit que s’arrogeait le conseil municipal de Barcelonne de faire des représentations aux cortès, et défendit, dans toute leur étendue, les pouvoirs extraordinaires demandés par le gouvernement. L’article qui permettait l’exil, en quelque sorte arbitraire, des personnes suspectes, fut le plus vivement disputé. Cependant il passa enfin le 17 décembre à la majorité de quatre-vingt-