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REVUE ÉTRANGÈRE.

douter que si la reine avait opposé une plus longue résistance à l’inexorable volonté des soldats qui l’entouraient, c’en était fait de sa vie.

C’est alors qu’il n’y eut plus de ressource, quoique le ministère et le marquis de Moncayo fussent encore maîtres de Madrid. Tout l’avantage de la situation avait passé du côté de leurs ennemis. Une partie des troupes commençait à hésiter. Les partisans de la constitution reprenaient courage et se couvraient du nom de la reine. Vainement on essaya de la soustraire aux soldats révoltés de Saint-Ildephonse et de la faire venir à Madrid. Elle était prisonnière ; les soldats auxquels on avait d’abord réussi à persuader de la laisser partir, craignirent un piége, et exigèrent que la constitution de 1812 eût été préalablement proclamée à Madrid, que le nouveau ministère y eût pris possession du pouvoir, et que d’autres cortès eussent été convoquées. Et le lendemain, quand tout cela était fait, ils poussèrent encore si loin la défiance, que pour laisser la reine partir de Saint-Ildephonse avec eux, et au milieu d’eux, ils exigèrent des otages de M. Carrasco, officier de la garde nationale de Madrid, et bien connu pour approuver la révolution qui venait de s’opérer.

Quesada fut massacré à Madrid le jour même où l’on y apprit, par le retour de l’ex-ministre de la guerre, Mendez Vigo, que la reine avait ordonné de proclamer la constitution, de rendre leurs armes aux miliciens désarmés, et avait désigné MM. Calatrava et Gil de la Cuadra pour former le noyau d’une nouvelle administration.

Nous reviendrons tout à l’heure à l’histoire intérieure de l’Espagne et aux évènemens qui ont suivi la révolution de la Granja. Mais c’est ici que se place la première conséquence extérieure de ce grand fait, la suspension d’abord, et puis l’abandon des mesures adoptées par le ministère du 22 février pour secourir l’Espagne, abandon qui a constaté un changement de dispositions envers ce pays, et amené la retraite du cabinet présidé par M. Thiers.

Après avoir plusieurs fois refusé à M. Mendizabal, chef du cabinet espagnol que le ministère du 22 février trouva aux affaires, toute espèce d’intervention ou de coopération armée, le gouvernement français paraît avoir changé de résolution vers la fin du mois de juin de l’année dernière. M. Mendizabal avait demandé en avril :

1o  L’interception absolue, pendant quelques mois, de toute communication entre la France et les provinces insurgées ;

2o  La garantie d’un emprunt ;

3o  L’occupation du Bastan.