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duelles ? Quand M. Jaubert disait à la tribune que le Journal de Paris n’est pas une feuille subventionnée, il avait certes, plus que personne, le droit de parler ainsi ; car, la veille de ce jour, il avait généreusement tiré de sa poche une somme considérable pour soutenir ce journal. Il est permis de croire que cette subvention doctrinaire a été accordée au Journal de Paris, autant pour récompenser ses anciens services que pour en obtenir de nouveaux. Or, les anciens services du Journal de Paris consistaient à attaquer violemment une partie du ministère au profit de l’autre ; et ce ne fut même qu’en réponse au Journal de Paris que d’autres feuilles, bien disposées pour le ministère, s’attaquèrent à la partie doctrinaire du cabinet. Le parti gémissait alors de ne pouvoir arrêter le zèle et l’ardeur du Journal de Paris, il se plaignait hautement de ce dangereux auxiliaire. Aujourd’hui il le soutient et le subventionne. Cet acte en dit plus que toutes les réflexions que nous pourrions faire.

La fin de la session achèvera de porter le calme dans les affaires intérieures. M. Guizot quitte Paris dans peu de jours ; M. Duvergier de Hauranne, M. de Rémusat, M. Jaubert, vont se reposer dans leurs terres des fatigues de la campagne législative, et M. Duchâtel se dispose à entreprendre un voyage à Lyon, à Bordeaux, et à visiter plusieurs autres villes de commerce et de manufactures. En général, le parti se flatte de revenir très prochainement au pouvoir. Ses principaux membres parlent avec confiance de leur nouveau ministère, et se regardent comme destinés à rétablir la tranquillité publique, qui doit être troublée avant peu ; on dirait, du moins, qu’ils l’espèrent. Il est réel, en effet, que l’ordre et la tranquillité publique ont été garantis, en quelque sorte, par le ministère actuel ; mais tout porte à croire, au contraire, et à espérer que la clémence du roi produira les meilleurs effets.

Le Journal de Paris a parlé avec une spirituelle ironie d’une mission donnée par le ministre de l’instruction publique à M. Dujardin, chargé d’aller examiner des manuscrits coptes à Leyde, où, suivant ce journal, il n’y a pas de manuscrits coptes. M. Dujardin est un savant modeste et laborieux, qui a renoncé à l’étude de la médecine, et s’est réduit à la vie la plus médiocre, pour se livrer à l’étude de la langue copte. On a pu même remarquer, dans la dernière livraison de la Revue des Deux Mondes, un curieux travail de M. Dujardin sur l’Interprétation des hiéroglyphes. M. Guizot, à qui nous sommes heureux de rendre cette justice, avait accordé à M. Dujardin, sur la demande de M. Fauriel, les moyens de remplir la mission que ce savant vient d’entreprendre. M. de Salvandy n’a donc fait que remplir les louables intentions de son prédécesseur, en envoyant M. Dujardin à Leyde, où il se trouve des manuscrits coptes d’une grande valeur ; et le Journal de Paris, en se moquant de cette mission, a frappé sans le vouloir sur ses amis, comme il lui est arrivé souvent. Plut à Dieu que M. Guizot, pendant son ministère, n’eût accordé d’encouragement qu’à des hommes tels que M. Dujardin. Les lettres et les sciences et le parti doctrinaire lui-même, s’en seraient bien trouvés.