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nus, que dans plus d’une circonstance la réunion des deux couronnes était le fond de la pensée des opinions les plus contraires. Sous quelles formes pourrait s’opérer cette réunion ? Les deux peuples s’établiraient-ils dans des rapports analogues à ceux qui, malgré des préventions également violentes, ont fini par unir la Suède et la Norvége ? questions accessoires, partie contingente des choses qu’aucune prévision sérieuse ne peut encore devancer.

La mission de la France en ce pays, doit, ce semble, consister à venir en aide à ce mouvement, lorsqu’il aura la conscience bien précise de lui-même, mais sans le devancer par des intrigues et des actes imprudens. En Portugal, comme partout, nous servirons nos intérêts en nous montrant, non les fauteurs, mais les auxiliaires des véritables tendances nationales. Ce pays ne peut accepter notre influence que lorsque, sous celle de l’Espagne régénérée par nous, une nouvelle ère s’ouvrira pour lui ; c’est là l’œuvre des années, peut-être des siècles. Semons donc à Madrid pour recueillir un jour à Lisbonne ; semons nos idées et versons, s’il le faut, notre sang sur cette belle terre des Espagnes, dont les épreuves n’épuiseront pas la fécondité ; prêchons-lui d’exemple l’ordre dans la liberté, la religion dans le travail et dans les lumières ; puis, si ces peuples revêtent jamais une vigueur et une jeunesse nouvelle, appelons les fils des Pélage et des Alphonse Henriquez à la conquête et au partage de ce monde africain, devenu notre domaine. Que l’Espagne s’y régénère de ses tristes luttes par des combats auxquels applaudiront du haut des cieux ses héroïques ancêtres ; que le Portugal aille y chercher les reliques de don Sébastien, et que les trois nations catholiques conquièrent à la civilisation de la croix cette terre que, dans la chute imminente du grand empire d’Islam, la Providence leur désigne comme le but de leurs travaux et l’objet de leur récompense.


Louis de Carné.