Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
REVUE DES DEUX MONDES.

temps et la faiblesse de l’opinion libérale en Portugal et l’énergique modération du ministère Périer.

Aussi, bien qu’accueilli avec faveur en France, don Pedro n’y trouva-t-il pour ses vues sur le Portugal qu’un concours réservé. L’Angleterre, alors dans toute la ferveur de la réforme, put et dut se montrer plus décidée dans une question qui lui appartient par une prescription de deux siècles. Ce n’est pas, du reste, que don Miguel ne fût tout prêt à se livrer à elle, et que les vues d’émancipation nationale dont ses partisans lui faisaient très gratuitement honneur dans la presse parisienne eussent le moindre fondement. On a déjà dit que sous l’administration du duc de Wellington, à laquelle l’infant était fort disposé à faire hommage lige de sa couronne, la négociation n’avait été arrêtée que par l’amnistie, exigée à Londres comme affaire d’honneur, et regardée à Lisbonne comme incompatible avec l’existence du gouvernement ; mais après la révolution de juillet, le parti whig, établi aux affaires, ne pouvait conserver don Miguel à Lisbonne : c’eût été renoncer à toute action politique sur la Péninsule. Aussi don Pedro trouva-t-il en Angleterre un appui dont il ne tarda pas à profiter pour son expédition de Belle-Isle.

Rien ne constate mieux que l’histoire de cette campagne de deux années le double aspect de la situation du Portugal : d’une part, l’adhésion presque générale au pouvoir absolu ; de l’autre, l’impuissance du pouvoir absolu à se défendre énergiquement, lorsqu’il est aux prises avec une idée plus vivante.

Entré à Porto sans coup férir[1], bien muni d’argent et fort de l’appui moral de deux grandes puissances, l’auteur de la charte de 1826, qui venait la rendre au Portugal après quatre longues années de souffrances, semblait pourvoir compter sur des insurrections locales et de nombreuses défections militaires. Telle était sans doute sa ferme espérance en même temps que l’attente générale de l’Europe. Cependant cette espérance et cette attente furent complètement trompées : nul ne bougea. L’armée de ligne presque entière resta fidèle à don Miguel ; les milices, soumises aux influences territoriales, vinrent de toutes parts rejoindre ses drapeaux, et l’expédition pédriste était à peine débarquée qu’il la bloquait dans Porto, réduit aux dernières extrémités.

Si, après de longs mécomptes, le duc de Bragance vit tout à coup changer la fortune, on doit moins l’attribuer à la destruction de la

  1. 9 juillet 1832.