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REVUE. — CHRONIQUE.

d’être condamnés à la relégation pour un ou deux ans. Un autre avait été condamné à deux années d’emprisonnement.

En général cependant, les élèves de l’université de Kiel se distinguent par leur soumission à toutes les règles de discipline, par leur caractère calme, positif, réfléchi. Les sciences spéculatives leur offrent peu d’attraits, et la poésie ne les séduit pas. Tout ce pays de Schleswig et de Holstein est très peu poétique. C’est peut-être, comme me le faisait remarquer un professeur, la seule province d’Allemagne où l’on ne trouve pas un volkslied, et les étudians conservent, sous le régime universitaire, l’esprit d’application, l’esprit pratique qui forme un des caractères de leur nationalité.

Tous ceux qui sont nés dans l’un des deux duchés et qui se destinent à un emploi public, doivent, d’après un édit royal, passer au moins deux années à Kiel ou à Copenhague. Cependant il y en a beaucoup qui obtiennent une dispense, et qui s’en vont dans les autres universités d’Allemagne. Mais tous les étudians de Kiel appartiennent au pays même. Quelques-uns seulement sont des provinces limitrophes, des villes anséatiques et du Mecklembourg. Il y a eu autrefois ici trois cent quatre-vingts étudians : il y en a maintenant deux cent cinquante. Cette diminution provient en partie de l’absorption toujours croissante des autres universités, notamment de celle de Berlin, en partie de la difficulté que les élèves même les plus distingués trouvent aujourd’hui à obtenir un emploi. Il y a pour chaque place vacante une quantité de candidats recommandables à tous égards. Il y a des docteurs en médecine dans chaque village, et des théologiens autour de chaque presbytère. Dans un tel état de choses, les jeunes gens sont forcés de prendre une autre carrière, et au lieu de venir passer six années à l’université, ils entrent à la Realschule, et se consacrent au commerce et à l’industrie.

Il est juste de dire aussi que l’université de Kiel ne présente pas, à beaucoup près, autant de moyens d’attraction que la plupart des autres universités. D’abord elle est très éloignée du centre de l’Allemagne, et les étudians ne se décideraient à y venir que dans le cas où ils y trouveraient des hommes d’une grande réputation. Mais dès qu’un professeur s’est acquis ici quelque célébrité, les autres universités le demandent, et le gouvernement ne fait rien pour le retenir. C’est ainsi que M. Dahlmann, le professeur d’histoire, est parti, il y a quelques années, pour Goettingue. C’est ainsi que M. Ritter, le professeur de philosophie, va partir à la fin de ce semestre. Cependant il reste ici plusieurs hommes d’un haut mérite, plusieurs professeurs ordinaires dont les œuvres et la parole exercent de l’ascendant, et des professeurs extraordinaires et des privat-docent pleins de force et de jeunesse, qui tendent sans cesse à raviver par leurs travaux les diverses branches de l’enseignement. Pour juger cette université sous son vrai point de vue, il faut se rappeler que ce n’est point, comme celles de Berlin et de Goettingue, une école qui s’adresse à l’Allemagne entière, mais une école toute locale, une sorte de république littéraire reléguée au nord, consacrée au Holstein, gouvernée par des professeurs du Holstein, et fréquentée par des élèves du Holstein.

Les établissemens publics qui appartiennent à l’université, ne présentent que de très humbles dimensions, mais ils sont entretenus avec soin et