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tel son, M. Champollion le regardait comme ne pouvant jamais représenter d’autre son que celui-là. On sent, en effet, qu’il n’y a de lecture possible qu’avec des caractères dont la valeur est invariable. M. Salvolini nous annonce avoir découvert jusqu’à présent vingt-cinq caractères signes de sons, susceptibles de représenter deux, trois, et même quatre articulations simples ou valeurs syllabiques tout-à-fait différentes ; ce qui tient, dit-il, à ce qu’un caractère hiéroglyphique pouvait être employé, non-seulement à représenter l’articulation initiale du nom de l’objet figuré, mais encore les diverses articulations initiales des noms, ou même les noms entiers des idées que l’objet figuré rappelait d’une manière indirecte. Quatre valeurs phonétiques tout-à-fait différentes, et peut-être davantage, car la porte n’est point fermée ; mais c’est une véritable révolution dans l’alphabet phonétique, et je ne suis pas surpris que M. Salvolini nous veuille faire admirer, dans sa découverte, l’heureuse flexibilité du système graphique égyptien. Heureuse à tel point, que ses résultats sont faits pour effrayer l’imagination ; vous allez en juger.

L’écriture phonétique ne reproduit généralement, nous dit-on, que la charpente des mots, c’est-à-dire qu’elle omet les voyelles. Nous rencontrons un groupe composé de trois de ces caractères, qui, suivant M. Salvolini, sont susceptibles de plusieurs valeurs différentes ; comment allons-nous le lire ? Supposons que chacun de nos caractères puisse représenter seulement trois articulations diverses ; au lieu de six voyelles qui pourraient entrer une à une, deux à deux, trois à trois, dans la prononciation de notre groupe, n’en prenons que trois ; on voit que nos évaluations sont assez modérées. Eh bien ! malgré cette modération, le calcul mathématique, c’est-à-dire le raisonnement qui ne permet point de réplique, nous apprend que le nombre des manières dont peut être lu notre groupe de trois caractères n’est pas au-dessous de soixante-treize mille deux cent vingt-quatre. Si pour notre lecture nous prenons quatre voyelles sur les six, au lieu de trois, le nombre des mots entre lesquels nous aurons à choisir s’élèvera tout d’un coup à deux cent douze mille neuf cent soixante-seize. Si enfin nous portons à quatre le nombre des valeurs diverses dont est susceptible chacun de nos trois caractères hiéroglyphiques, nous arrivons à un nombre possible de lectures diverses