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publique, n’a pas encore osé donner à un seul homme une église entière à décorer ; elle n’a pas osé confier à un seul homme la sculpture de l’Arc de l’Étoile. Aussi voyez ce qu’elle a recueilli. Les chapelles de Saint-Sulpice, qui ont absorbé des sommes considérables, sont à peine visitées par les étrangers et ne méritent qu’une pitié dédaigneuse. Outre la médiocrité incontestable des artistes appelés à décorer ces chapelles, une cause non moins évidente doit être assignée à la nullité de ces ouvrages ; chaque peintre a fait son apprentissage dans la chapelle qui lui était dévolue, et n’a eu ni le temps ni l’occasion de mettre à profit ses études. Assurément, c’est là une explication bien naturelle. Quoiqu’il y ait parmi les artistes appelés à décorer Notre-Dame-de-Lorette plusieurs noms recommandables, cette église n’est pas ce qu’elle aurait pu devenir, si la peinture de toutes les chapelles eût été confiée à un seul homme. Pour ma part, je ne doute pas que M. Schnetz ou M. Champmartin n’eût agrandi et affermi sa manière, si l’église entière lui fût échue en partage ; mais, forcés d’abandonner la peinture religieuse après avoir achevé deux toiles, ils ont appliqué aux sujets qui leur étaient proposés leur manière habituelle. À la vérité, le public ne sait guère ce qu’il possède ou ce qu’il a perdu ; car M. Lebas a si bien disposé la place réservée à la peinture, que la lumière passe à droite et à gauche de chaque composition, mais n’arrive jamais de façon à l’éclairer. Pourtant, avec un peu de persévérance, il est facile de vérifier ce que nous avançons. Parlerons-nous de l’Arc de l’Étoile, qui rappelle d’une façon si frappante la confusion des langues de Babel ? Il est impossible d’imaginer une réunion de manières plus contradictoires, plus hostiles ; à côté du style élégant et sobre de Chaponnière, nous avons le style glacé de M. Lemaire, les efforts courageux, mais impuissans de M. Gechter, la pompe de M. Marochetti ; l’emphase des trophées de M. Etex ajoute à l’insignifiance du Napoléon de M. Cortot, et permet à peine d’apprécier les bonnes parties qui se rencontrent dans le travail de M. Rude. N’eût-il pas mieux valu cent fois choisir, parmi les sculpteurs de la France, un homme qui eût donné des gages de son savoir, et lui confier la sculpture du monument tout entier ?

Si le ministre eût pris sur lui de rompre en visière au préjugé public, s’il eût osé, soit en ne consultant que lui-même, soit en