Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/758

Cette page a été validée par deux contributeurs.
748
REVUE DES DEUX MONDES.

cette provision annuelle qu’après que tout le grain du pays est parvenu à sa maturité. On assure ainsi la durée du beau temps, qui ne se permettrait pas de cesser avant la récolte des moines.

Ailleurs Fa-Hian dit, en parlant des rois bouddhistes de l’Inde : « Lorsqu’ils rendent hommage aux religieux, ils se dépouillent de leur tiare ; eux et les princes de leur famille, ainsi que leurs officiers, leur présentent les alimens de leurs propres mains. Quand ils les ont présentés, ils étendent un tapis par terre, évitant de se placer en face sur un siége. En présence des religieux ils n’oseraient s’asseoir sur un lit… Les rois, les grands, les chefs de famille ont élevé des chapelles en faveur des religieux. Ils leur ont fourni des provisions et fait donation de champs et de maisons, de jardins et de vergers, avec les fermiers et les bestiaux pour les cultiver. L’acte de ces donations était tracé sur le fer, et aucun des princes qui vinrent ensuite ne se serait permis d’y porter la moindre atteinte. »

Si les lignes qui précèdent n’étaient textuellement traduites du chinois, on croirait entendre un chroniqueur du moyen-âge vantant l’humilité respectueuse des princes dévots en présence des religieux et leur libéralité envers les monastères. Le monachisme a, dans le principe d’association et de perpétuité qui le constitue, une force d’absorption qui, au sein des circonstances les plus diverses, a dû produire les mêmes résultats.

Plusieurs des pratiques de dévotion usitées dans les couvens bouddhiques rappellent des pratiques monacales ou ecclésiastiques de l’Europe. Le chapelet y est fort en vogue ; les cloches y retentissent jour et nuit. Chaque monastère a des reliques de Bouddha. Ici c’est une de ses dents, là un os de son crâne ; c’est son bâton, son manteau, sa marmite ; la plus étrange des reliques de Bouddha, c’est son ombre[1] ; il y a même quelque trace de la confession[2]. Aucune des observances machinales qu’on a pu reprocher à l’ascétisme matériel de l’Espagne et de l’Italie n’approche de l’usage singulier des roues de prière. On colle sur ces roues ou cylindres des morceaux de papier sur lesquels sont écrites diverses oraisons. Au lieu de réciter les oraisons, on tourne la roue, et cette

  1. Pag. 86-87
  2. Pag. 112.