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HISTOIRE DU BOUDDHISME.

dans des pays où l’on n’est pas sûr de sa conservation, pour parvenir jusqu’à ce qui était l’objet de mon espoir, à tout risque. »

Ces simples paroles ne remuent-elles pas le cœur ? n’intéressent-elles pas à cette foi pour laquelle un pauvre religieux s’est exposé à tant d’obscurs périls ? Mais laissons la personne et les sentimens de Fa-Hian, sur lesquels il y avait peu de chose à dire, et passons à ce qu’il nous apprend des contrées qu’il a parcourues.

Le résultat le plus essentiel de son voyage, aux yeux de la science, est de montrer l’extension et de décrire l’état du bouddhisme dans des contrées sur lesquelles il n’existe aucun autre renseignement contemporain. Il résulte de sa relation que le bouddhisme était établi au ive siècle sur la rive droite de l’Indus, dans un pays que l’on nomme encore aujourd’hui pays des idolâtres (Kafristan). Depuis lors il n’a fait qu’y déchoir, jusqu’au temps où l’islamisme l’a entièrement aboli, comme il a détruit le christianisme à l’autre extrémité de l’Asie, remplaçant par l’enthousiasme guerrier et la sensualité ardente l’esprit pacifique et mortifié des deux religions qu’il a vaincues.

Dans les régions qu’il parcourt, notre voyageur voit prédominer tour à tour le culte hérétique des brahmanes et l’orthodoxie bouddhiste. Après avoir repassé à l’est de l’Indus, il retrouve celle-ci florissante au sein de l’Inde centrale. Là, dans son ancienne patrie, le bouddhisme était encore respecté au commencement du ve siècle, malgré les atroces persécutions qui l’avaient banni de l’Inde méridionale, mais qui n’avaient pas eu le dessus aux bords du Gange. Ce fait, qu’on ignorerait sans Fa-Hian, est important pour l’histoire du bouddhisme ; car d’autres voyageurs chinois, un peu postérieurs, nous apprennent que dès leur époque il donnait dans ces régions des signes de décadence, après une vie continue de seize ou dix-sept siècles.

On voit aussi par la relation de Fa-Hian que de son temps l’Inde avait déjà reçu la doctrine des Tao-ssé. La secte des Tao-ssé, dont le père fut Lao-tseu, qu’on pourrait appeler le Platon chinois, comme Confucius en fut le Socrate ; cette secte, dont nous ne savons guère que le nom, avait donc, au ive siècle, pénétré depuis long-temps dans l’Inde. Elle a dominé au Thibet jusqu’à l’époque où le bouddhisme a triomphé dans ce pays. Elle y a encore des