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UN CAPRICE.

vous ayez l’air d’y être allée. Vous vous ferez mener où vous voudrez, aux Invalides ou à la Bastille ; ce ne sera peut-être pas très divertissant, mais vous serez aussi bien là qu’ici pour ne pas dormir. Est-ce convenu ? Maintenant, prenez votre bourse, et enveloppez-la dans ce papier ; je vais mettre l’adresse. Bien, voilà qui est fait. Au coin de la rue, vous ferez arrêter ; vous direz à mon groom d’apporter ici ce petit paquet, de le remettre au premier domestique qu’il rencontrera, et de s’en aller sans autre explication.

MATHILDE

Dites-moi du moins ce que vous voulez faire ?

MADAME DE LÉRY

Ce que je veux faire, enfant, est impossible à dire, et je vais voir si c’est possible à faire. Une fois pour toutes, vous fiez-vous à moi ?

MATHILDE

Oui, tout au monde pour l’amour de lui.

MADAME DE LÉRY

Allons, preste ! Voilà une voiture.

MATHILDE

C’est lui ; j’entends sa voix dans la cour.

MADAME DE LÉRY

Sauvez-vous ! Y a-t-il un escalier dérobé par-là ?

MATHILDE

Oui, heureusement. Mais je ne suis pas coiffée ; comment croira-t-on à ce bal ?

MADAME DE LÉRY, ôtant la guirlande qu’elle a sur la tête, et la donnant à Mathilde.

Tenez, vous arrangerez cela en route.

( Mathilde sort.)

Scène vii.


MADAME DE LÉRY, seule.

À genoux ! une telle femme à genoux ! Et ce monsieur-là qui la refuse ! Une femme de vingt ans, belle comme un ange et fidèle comme un lévrier ! Pauvre enfant, qui demande en grâce qu’on daigne accepter une bourse faite par elle en échange d’un cadeau de Mme de Blainville ! Mais quel abîme est donc le cœur de l’homme ! Ah ! ma foi, nous valons mieux qu’eux. (Elle s’asseoit et prend une brochure sur la table. Un instant après on frappe à la porte.) Entrez.