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pêche remplie de faits injurieux pour le gouvernement français ; ce serait de donner la teneur même de cette dépêche, d’en signaler les phrases les plus remarquables, et de ne répondre que par des paroles ironiques au démenti formel et public donné par l’auteur supposé de cette lettre. Nous citons cet exemple, uniquement pour montrer au Journal des Débats la différence qu’il y a entre une calomnie et un jugement porté de bonne foi, d’après des opinions hautement émises ; c’est un simple cas de politique légale, dont nous le faisons juge, afin que ses propres jugemens sur les autres soient, à l’avenir, un peu plus chrétiens.

Nous nous consolons un peu de la rigueur que le Journal des Débats a montrée à notre égard, en songeant que ses amis les meilleurs ne sont pas mieux traités par lui que ceux qui ont le malheur de ne pas partager toutes ses opinions. Ainsi, M. de Salvandy, l’un des plus anciens rédacteurs du Journal des Débats, l’un de ses collaborateurs les plus actifs, n’a pas obtenu de ce journal une seule marque d’intérêt, même la plus faible, pendant la lutte cruelle qu’il a soutenue pour sa réélection. Quelques mots du Journal des Débats eussent cependant opéré une diversion dans le collége électoral d’Évreux, où les doctrinaires ont, dit-on, voté avec les carlistes et les républicains. Il est vrai que la défaite de M. de Salvandy étant bien avérée et le résultat du scrutin électoral bien connu, le Journal des Débats a pris dès-lors la défense de M. de Salvandy contre les calomnies dont il avait été l’objet près des électeurs. Pourquoi donc le silence qui avait régné jusqu’alors dans le Journal des Débats ? ce champ de bataille où M. de Salvandy a si long-temps combattu, avait-il, en quelque sorte, autorisé ces calomnies ? Et le panégyrique tardif de M. de Salvandy, inséré dans le Journal des Débats, n’est-il pas une dérision bien amère ? Les regrets même étaient-ils de nature à satisfaire M. de Salvandy, et à le dédommager du long silence qu’on avait gardé ? Quelques mots honnêtes ne suffisaient pas en pareil cas, et le Journal des Débats, rédigé par des hommes si versés dans les affaires, aurait pu offrir à ses lecteurs quelques exemples de défaites pareilles, qui les auraient frappés. En Angleterre, on a vu plus d’une fois un ministre soumis à la réélection, perdre son mandat, sans qu’il en ait rejailli sur l’homme une défaveur publique, et sans qu’il se soit cru obligé de sortir du cabinet. Pour ne citer qu’un fait récent, à l’époque du ministère Grey, sir John Hobhouse, ministre de la guerre, échoua dans les élections de Westminster, où il avait pour concurrens sir Francis Burdett et M. Evans ; et le ministre actuel des affaires étrangères en Angleterre eut à subir un échec à Hampshire avant de prendre une place permanente dans le parlement. Ce sont là les chances du gouvernement représentatif ; les localités sont souvent influencées par des faits indépendans de la politique gé-