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SITUATION DE L’ORIENT.

tentative maladroite, liée à d’obscures intrigues, a rouvert d’anciennes blessures et remis en lutte des orgueils intraitables, sans avantage pour personne, si ce n’est peut-être pour l’influence occulte qui s’appesantit sur le divan, à la faveur de ses embarras et de ses craintes.

Nous avons fait connaître au vrai l’état actuel de la Turquie ; nous avons expliqué le malheureux essai de négociation que le sultan a eu le tort de hasarder auprès du vice-roi d’Égypte ; nous en avons exposé les conséquences immédiates. Il nous reste à tirer de tout ceci une conclusion applicable à la question d’Orient. Nous allons le faire, et tout esprit sensé nous aura déjà prévenus.

Personne ne peut dire si la Turquie se relèvera ou non de l’affaiblissement dans lequel elle est tombée. Ses ressources sont grandes ; mais la faculté d’en tirer parti ne se manifeste pas à un degré suffisant, et pour le moment l’œuvre est bien peu avancée. Cependant l’épreuve n’est pas terminée. Il faut continuer à encourager et appuyer le sultan, mais le contenir, et ne permettre à aucun prix le renouvellement d’une lutte qui mettrait sa faiblesse à nu. Il faut que la Russie n’ait plus le moindre prétexte de reparaître armée à Constantinople, pour y exercer une protection que nous ne pourrions plus tolérer. Le sultan comprendra ce langage ; il doit savoir que son peuple ne lui pardonnerait pas d’appeler une seconde fois à son secours ses prétendus alliés ; il doit craindre que les vœux de ses sujets ne se reportent alors sur celui qu’ils ont invoqué naguère comme le régénérateur de leur empire. Avec le maintien de la paix, avec le respect du statu quo reconnu par l’Europe, et que Mehemet-Ali ne sera point le premier à rompre, l’empire ottoman peut reprendre des forces, le sultan peut réaliser ses vues, s’il y apporte de l’énergie et de la persévérance ; le système européen peut être sauvé sans une effroyable collision que tout le monde cherche manifestement à éviter. Mais à tout évènement, il ne faut pas, en affaiblissant mal à-propos Mehemet-Ali, s’interdire une dernière ressource.


C.