Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/696

Cette page a été validée par deux contributeurs.
686
REVUE DES DEUX MONDES.

Sa hautesse prendrait l’engagement de conférer à Ibrahim-Pacha, après la mort de son père, les deux mêmes gouvernemens, mais sans le pachalick de Djedda (Arabie), dont Ibrahim est maintenant titulaire, et qui fait de lui le premier pacha de l’empire, parce que la ville sainte est comprise dans son étendue. Mehemet-Ali aurait donc perdu la Crète, Alep et Damas. Le sultan aurait regagné ces défilés du Taurus que le vice-roi d’Égypte, à peine maître de la Syrie, s’était attaché à rendre inexpugnables, et aurait enlevé à son vassal, dans l’île de Crète, un de ses plus grands élémens de puissance maritime.

Ces propositions furent très mal reçues au Caire, où Sarim-Effendi était allé les communiquer au pacha. Il répondit fièrement qu’il ne céderait pas un village de Syrie, qu’il ne renoncerait jamais à la Crète, qu’il entendait être confirmé, pour lui et pour son fils, dans toutes ses possessions actuelles, et il offrit seulement une augmentation de tributs, dont il laissait fixer le chiffre par son souverain, et qu’il promettait d’acquitter régulièrement. Une pareille déclaration devait mettre fin très vite aux conférences de l’envoyé de la Porte avec Mehemet-Ali, et Sarim arriva brusquement à Constantinople le 21 février de cette année, pour rendre compte de sa mission au divan.

Nous n’avons pas appris que cette négociation ait eu d’autres suites. Mais divers indices nous feraient croire que le divan a eu l’intention de la transporter à Paris et à Londres. Les journaux ont parlé, il y a quelque temps, d’un memorandum que les ambassadeurs turcs auraient remis aux deux cours alliées sur cette affaire, et qui constate sans doute les concessions offertes à Mehemet-Ali par le sultan. Ce sera probablement une démarche inutile, car on doit avoir déclaré, à Constantinople, que la France et l’Angleterre n’entendaient pas contraindre Mehemet-Ali à renoncer aux avantages que lui avait assurés la paix de Kiutayah, et que les deux cabinets étaient toujours fermement décidés à maintenir le statu quo. Malheureusement les défiances du pacha se sont réveillées ; il est moins disposé que jamais à désarmer ; les travaux du Taurus vont être repris et poussés avec une activité nouvelle, et déjà la renommée, qui exagère tout, publie que la guerre est imminente. Ce danger n’est pas à craindre ; l’attitude de l’Angleterre et de la France le conjurerait au besoin : mais on voit que cette