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SITUATION DE L’ORIENT.

culté, peser plus d’un intérêt, et faire aussi entrer pour quelque chose dans la politique celui des populations mêmes qui doivent gagner ou perdre à tel ou tel changement.

Ces réflexions suffiront sans doute pour expliquer comment on s’écarte un peu ici d’une certaine forme dans laquelle ont été jetées les dernières discussions, écrites ou parlées, sur la question d’Orient. La Turquie elle-même, ce qu’elle est, ce qui s’y passe, l’état des esprits, des institutions, de l’armée, la condition et les rapports des divers élémens qu’elle renferme, voilà ce qu’il faut principalement étudier, voilà l’objet sur lequel les recherches doivent se porter de préférence[1] ; et, par la Turquie, on doit entendre tout ce qui est encore directement ou indirectement soumis au gouvernement de la Porte ottomane. Ses pertes récentes ou anciennes, les malheurs des guerres qu’elle a soutenues contre la Russie, les traités humilians qui lui ont été imposés, la supériorité de tactique, d’esprit, de puissance matérielle, dont la Russie a fait preuve dans toutes ses luttes contre elle ; tous ces effets d’une décadence progressive, heureuse pour l’Europe et pour l’humanité dans son ensemble, ne méritent qu’une attention secondaire. Il y a même aujourd’hui une raison de plus pour prendre la question sous ce point de vue, et cette raison, la voici.

Il est évident que depuis quelques années, et surtout depuis l’entière évacuation du territoire de l’empire par les troupes russes, la Turquie fait une grande épreuve de sa vitalité, sous les yeux de l’Europe entière, et à tout prendre, avec assez de liberté, malgré les intrigues qui se croisent à Constantinople, pour que cette épreuve, heureuse ou non, soit concluante pour ou contre. Les dernières crises de l’Orient et la direction donnée aux esprits par les nombreuses publications faites contre la Russie, ont eu

  1. Nous n’avons pas la prétention de remplir ce programme, au moins dans ce premier essai. Tout ce que nous avons voulu montrer en insistant sur ces considérations, c’est qu’à notre avis on ne traite pas la question d’Orient en faisant l’histoire des conquêtes de la Russie, et qu’il faut entrer dans le cœur du sujet par une autre voie. Malheureusement il est difficile de bien connaître les faits à l’étude desquels nous voulons ramener. On a peine à saisir de loin la signification des évènemens au milieu d’un état politique et social si différent du nôtre, et ce qui ajoute à la difficulté, c’est la passion et le parti pris des organes qui nous les traduisent. L’exposition complète de la situation de l’empire serait une grande tâche que nous n’entreprenons pas, et nous nous réduirons à en présenter ici les traits essentiels.