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Ce n’est pas la première fois que les antiquaires, naturellement portés à saisir et à faire valoir tout ce qui peut relever l’art des anciens, leur ont attribué la connaissance de procédés analogues. Depuis long-temps, à la vérité, on convient qu’ils n’ont jamais connu notre gravure, soit au burin, soit à l’eau-forte, quoiqu’ils aient pratiqué diverses espèces de gravure sur métaux ou sur pierres fines. On s’est beaucoup étonné de ce qu’ayant été si près de cette belle invention, ils n’aient pas franchi l’étroit espace qui les en séparait. Pourtant il a bien fallu reconnaître que le procédé de tirer des épreuves d’un dessin gravé est né, seulement au XVe siècle, de l’art de nieller, et que la première idée en est venue de l’expérience, toute fortuite, tentée, en 1452, par le fameux nielleur Maso Finiguerra, pour se rendre compte de l’effet de son travail.

Mais il est un autre procédé dont quelques habiles connaisseurs attribuent encore la connaissance aux anciens, c’est celui d’imprimer, sur les toiles et autres étoffes, certains dessins ou figures, au moyen de planches gravées sur bois.

Ce procédé aurait conduit directement à l’impression des gravures comme l’entendent les modernes, et l’on concevrait moins encore que, l’idée étant la même, elle fût entièrement échappée aux anciens. Les toiles fines et à tissu serré, qu’ils savaient fabriquer, leur auraient fourni une matière tout-à-fait propre à recevoir l’impression des traits les plus délicats. Trouver un moyen de pression n’était pas difficile. Ainsi, en possédant l’idée, les moyens d’exécution n’auraient pu leur manquer. Mais ont-ils eu l’idée ? voilà la question. Je ne le pense pas ; et, si le temps et l’espace me le permettaient, il me serait facile de prouver que tous les textes qu’on allègue peuvent très bien se rapporter à des figures brochées, brodées, ou peintes à la main.

La dissertation de M. Quatremère de Quincy soulève une question nouvelle, et bien intéressante, soutenue d’ailleurs avec l’esprit et l’habileté qui distinguent cet illustre doyen des antiquaires. Selon lui, le savant Varron, voulant multiplier les portraits dont il enrichissait ses livres, avait inventé un moyen fort analogue à celui que nous employons pour l’impression des papiers peints et des étoffes, c’est-à-dire que, pour multiplier les exemplaires d’un portrait, il faisait graver autant de planches d’ivoire qu’il y avait