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DE L’INVENTION DE VARRON.

LES ANCIENS ONT-ILS CONNU L’ART D’IMPRIMER DES DESSINS EN COULEURS ?

Dans le dernier cahier de la Revue, l’auteur d’un intéressant et spirituel article sur la Presse française expose une opinion récemment présentée par M. Quatremère de Quincy[1], d’où il résulte que Varron, chez les Romains, avait inventé et mis en œuvre un procédé pour multiplier les dessins coloriés, au moyen de l’impression sur toile avec plusieurs planches. Séduit par l’esprit et les déductions ingénieuses de l’illustre antiquaire, l’auteur de l’article trouve cette opinion fort probable, et il croit pouvoir revendiquer pour les anciens la connaissance d’un art ou d’un procédé que l’on regarde généralement comme une invention moderne.

Si le fait était prouvé, ce serait assurément l’un des plus curieux dont l’histoire de l’art ait pu s’enrichir ; mais ici ma conscience de philologue vient contrebalancer tout à la fois et ma prévention d’antiquaire et ma déférence pour les opinions d’un savant distingué. Il me paraît impossible d’admettre l’explication qu’il donne des deux textes de Pline et du texte de Cicéron, sur laquelle il fonde son ingénieuse et séduisante hypothèse. Cette interprétation, fort spirituelle, est contraire au sens naturel des mots. Or, avec cette interprétation tombe nécessairement le fait curieux que l’on a cru pouvoir en conclure. J’ai pensé qu’une courte discussion sur ce point ne serait pas sans quelque intérêt.

  1. Mélanges archéologiques, pag. 1-48.